Éolien, solaire, géothermie, hydroélectricité... sont passés de 8,7% à 11% de la consommation énergétique mondiale de 2009 à 2019. Mais sur fond de demande accrue, pétrole, gaz et charbon sont toujours à plus de 80%, souligne ce réseau réunissant chercheurs, agences de l'énergie, ONG, industriels... Alors que faire?
"115 pays continuent à subventionner les énergies fossiles", souligne Rana Adib, provoquant des distorsions au détriment du photovoltaïque et de l'éolien, qui sont pourtant "l'option au moindre coût", dit-elle. "Les gouvernements doivent cesser ces investissements, qui sont des actifs irrécupérables pour le futur, et in fine le contribuable paie".
Selon un rapport du FMI, plus de 11 millions de dollars sont consacrés chaque minute aux subventions aux fossiles (5.900 milliards de dollars en 2020, 6,8% du PIB mondial), contribuant à saper les objectifs climatiques.
Villes et entreprises à la manœuvre
"L'énergie fossile n'est pas mentionnée une seule fois dans l'accord climat de Paris, alors qu'elle produit 75% du CO2. C'est déjà un souci", dit Rana Adib. "Les négociations à la COP ce sont les ministres de l'Environnement. Où sont les ministres de l'Economie, de l'Energie?"
Venue de la société civile et même de l'ONU, "il y a une mobilisation contre les fossiles, mais on ne donne pas la même voix à ce qui doit les remplacer: on vient donc faire entendre celle des énergies renouvelables" (ENR).
Dans la "zone de l'action" du centre de conférence de Glasgow, où se déroule la COP (Conférence des parties à la Convention de l'Onu sur le climat), on "réseaute", on échange, en marge des tractations entre Etats.
"Le climat est une question transverse, et la COP un des rares événements où l'on croise tout le monde". A commencer par les villes.
"Ces 50 dernières années les gouvernements ont géré l'approvisionnement énergétique. Or les ENR sont une solution décentralisée."
Aujourd'hui 25% de la population urbaine vit dans une ville avec un projet renouvelable.
Le Cap, qui ne pouvait choisir lui-même son fournisseur, a poursuivi l'Etat en justice, Barcelone a en premier imposé du solaire au bâtiment, d'autres interdisent le diesel, dit la directrice de Ren21. Les élus locaux "sont plus près des citoyens, et, disons-le, moins la cible du lobbying des entreprises fossiles".
"Beaucoup de gouvernements affichent des objectifs, mais ne créent pas de cadres réglementaires", souligne-t-elle. Quant aux plans de relance post-Covid, ils accordent six fois plus d'investissements aux hydrocarbures qu'aux renouvelables.
"Changer les perceptions"
Autre levier: les entreprises. Les contrats passés directement auprès de fournisseurs d'énergie renouvelable ont crû de 18% de 2019 à 2020. Pour des raisons environnementales et de coût, note Ren21.
Pour ces promoteurs des renouvelables, celles-ci doivent sortir du seul argument climat. En 2020, 83% des nouvelles capacités électriques sont renouvelables, largement du fait de leur coût, insistent-ils.
Pour des questions de résilience aussi, l'armée américaine s'est lancée dans le solaire et le vent, et le pays a vu un essor des "mini-réseaux" depuis l'ouragan Katrina.
Mais quid de l'irrégularité du solaire ou de l'éolien?
"Il y a des solutions de flexibilité", répond Rana Adib. Avant même de développer le stockage, "ce qui compte c'est diversifier ces ressources" avec la géothermie, l'hydroélectricité, la biomasse, les énergies marines..., explique-t-elle.
"Il faut changer les perceptions, travailler pour rendre les ENR obligatoires, s'appuyer sur les citoyens, montrer l'intérêt social: au Danemark, les agriculteurs, d'abord dérangés par les éoliennes, ont été rémunérés."
Mais les renouvelables ont leurs bémols: impact environnemental des barrages, soutenabilité des biocarburants, recyclabilité des équipements...
"Il faut en parler franchement", dit Rana Adib.
Pour garder le réchauffement mondial à 1,5°C, il faudrait d'ici 2030 installer chaque année quatre fois plus de capacités solaires et éoliennes qu'en 2020, année record, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).