Rarement une simple réforme technique aura soulevé un tel tollé : le nouveau diagnostic de performances énergétique, indicateur de vertu des logements à la vente et à la location -privés et HLM- devenu populaire, a fait l'objet d'une refonte radicale. Sa version évoluée est entrée en vigueur au 1er juillet 2021.
Pour fiabiliser cet outil et lui permettre de s'imposer comme « opposable », c'est-à-dire pouvant permettre d'engager la responsabilité du propriétaire, le ministère en charge du logement a travaillé depuis un an à un moteur de calcul intégrant plus de données, en vue de fournir aux acquéreurs et aux locataires des informations objectives.
Ainsi, en lieu et place des factures de consommation d'énergie du précédent occupant, au demeurant parfois difficiles à obtenir et entraînant l'impossibilité de calculer la performance, ce diagnostic se fonde désormais sur des caractéristiques physiques du bien. Il associe aussi à la performance pure, classée sur une échelle de A à G, l'émission de gaz à effet de serre et des simulations de dépenses énergétiques.
Enfin, il comporte des préconisations de travaux pour faire accéder à un degré de performance correct, dans les trois premiers barreaux de l'échelle, A, B ou C, les logements énergivores. En somme, le nouveau DPE avait vocation à gagner en exactitude et en complétude pour prendre, à ce titre, valeur contractuelle. Le ministère avait fourni une étude d'impact qui anticipait une situation équilibrée : de l'ordre de 800.000 logements allaient mécaniquement progresser dans le classement environnemental et autant seraient au contraire affectés d'une note dégradée.
À l'épreuve des faits, rien ne s'est passé comme les pouvoirs publics l'attendaient. Des anomalies en grand nombre ont été constatées, conduisant à une proportion élevée de logements disqualifiés, jugés passoires énergétiques par le nouveau crible, avec à la clé une dévalorisation considérable, voire une perte de liquidité. Pour les logements les plus anciens, de type haussmannien notamment, et de plus petite superficie, l'impossibilité de proposer des travaux entraînant un redressement de note à des niveaux satisfaisants a également été pointée.
A aussi été minimisée la difficulté pour les diagnostiqueurs de collecter les informations techniques sur le bien nécessaires à l'établissement du DPE, le cas échéant avec le concours de l'agent immobilier ou de l'administrateur de biens mandataire. Le résultat a aussi consisté à faire figurer dans les documents des simulations de facture très nettement supérieures à la réalité constatée, jusqu'à des excès aberrants.
Le bilan de cette situation a de quoi inquiéter : sur les quelques 300.000 DPE établis depuis juillet, la moitié a concerné des logements construits avant 1975, dont une fraction majeure a comporté d'évidentes anomalies. Dans ce contexte, Emmanuelle Wargon, ministre en charge du logement, vient de prendre la décision à la fois sage et courageuse de surseoir à l'obligation de réaliser le DPE pour les biens édifiés avant cette date de 1975 -sauf en cas de transaction urgente- tant que le moteur et les logiciels qui calculent les DPE de nouvelle génération ne seront pas nettoyés des scories qui les affectent. Les diagnostiqueurs œuvrent bien sûr avec les spécialistes du ministère du logement pour parvenir à ce résultat dans les meilleurs délais.
Concrètement, les biens pour lesquels a été réalisé un DPE fautif bénéficieront d'un nouveau diagnostic, qui corrigera et annulera le précédent, sans frais. Une négociation va s'ouvrir avec le gouvernement pour que soit effectivement neutralisé le coût pour la communauté des diagnostiqueurs de cette vaste opération de rappel. On entend des critiques acerbes adressées au gouvernement, montrant d'un doigt accusateur son impéritie. Elles sont infondées. Il fallait la lumière de l'expérience pour identifier finement les dysfonctionnements qui pouvait compromettre la justesse du DPE. La plupart des défauts ne pouvaient être prévus a priori et il faut avoir la modestie de le dire. Les polémiques, que certains peuvent trouver avantage à alimenter, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Oui, moderniser le DPE et lui donner plus de force pour conduire à la rénovation environnementale des logements était vital. Oui, il était indispensable que cet indicateur, qui constitue une aide à la décision de louer ou d'acheter, soit plus qu'indicatif et qu'il acquière une force juridique majorée. L'heure n'est plus à la légèreté en matière d'appréciation du besoin de mettre à niveau notre parc de logements -maisons individuelles comme immeubles collectifs, à destination locative comme pour occupation en propre. L'empreinte carbone liée à l'immobilier doit d'urgence être réduite. La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a fixé un cap exigeant pour le parc locatif comme pour les copropriétés faisant suite à la loi Énergie climat du 8 novembre 2019.
Tout au plus la séquence qui s'achève, marquée par le besoin d'ajuster un DPE conçu à marche forcée, doit-elle faire réfléchir sur la méthode d'adoption des réformes techniques. L'expérimentation devrait à l'avenir être préférée à la généralisation hâtive, fût-elle dictée par l'urgence climatique. Elle devrait en particulier inspirer la mise en place de l'audit énergétique, instrument de mesure plus précis et complet encore que le DPE. La loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience contre ses effets » le rend obligatoire dès le 1er janvier 2022 pour les logements les plus énergivores. Il est appelé à s'imposer comme l'outil de référence d'évaluation et d'aide à l'amélioration de la performance environnementale. Il importe de se garder des faux pas, qui risquent de dissuader les ménages d'aller vers la vertu énergétique.
Tribune de Thierry Marchand, président de la CDI-FNAIM (LinkedIn).