Mesures nécessaires pour "assurer la continuité du service", ou "attaques délibérées contre le droit de grève" ? Une discussion animée s'est ouverte entre la gauche, farouchement opposée au texte, et la majorité sénatoriale de la droite et du centre, déterminée à le faire passer.
"Trop, c'est trop. Nos concitoyens n'en peuvent plus", a assuré le chef des sénateurs centristes Hervé Marseille, auteur de cette proposition de loi déposée en février en pleine mobilisation des contrôleurs de la SNCF qui avait perturbé les départs en vacances d'au moins 150.000 voyageurs. Il faut "rétablir un équilibre entre droit de grève et continuité du service", a-t-il ajouté.
Le texte du patron de l'UDI, largement élargi la semaine passée en commission à l'initiative de la droite, octroie au gouvernement un quota de 30 jours par an durant lesquels les "personnels des services publics de transports" seraient privés de leur droit de grève, avec une limite de 7 jours d'affilée par période d'interdiction.
Ces jours sanctuarisés ne concerneraient que certaines périodes: vacances scolaires, jours fériés, élections et référendums ainsi que des événements "d'importance majeure". Et l'interdiction de faire grève serait limitée aux seules heures de pointe et aux personnels indispensables au fonctionnement du service.
"Droit détourné"
"Nous sommes très attachés à ce droit fondamental qu'est le droit de grève, mais force est de constater qu'il est aujourd'hui détourné, utilisé de manière abusive", affirme le rapporteur Philippe Tabarot (Les Républicains).
Ce dernier propose également d'allonger le délai de déclaration des grévistes de 48 à 72 heures, de rehausser le "niveau minimal de service" aux heures de pointe avec un processus de réquisitions sous conditions strictes, ainsi qu'un dispositif de caducité de certains préavis non suivis d'effet, pour lutter contre les "préavis dormants" qui courent parfois pendant plusieurs mois.
Autre proposition de la droite sénatoriale: imposer aux salariés souhaitant faire grève de rejoindre le mouvement dès le début de leur service et non en cours de journée. Une manière de lutter contre les "grèves de 59 minutes", moins coûteuses pour le salarié mais sources selon la droite d'une grande désorganisation.
Ce débat avait été rouvert lors des vacances scolaires de février, notamment par la déclaration très commentée du Premier ministre Gabriel Attal, qui avait déploré une "forme d'habitude" à la grève pendant certaines périodes et affirmé que si "la grève est un droit", "travailler est un devoir".
Mais le gouvernement a précisé qu'il s'opposerait à ce texte, ce qui risque de compliquer son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, même si certains membres de la majorité y sont favorables.
"Il y a deux droits populaires acquis de longue date qui s'opposent: d'un côté le droit de grève et de l'autre les congés payés", a ainsi défendu la députée Renaissance Maud Bregeon sur LCI, voyant dans la proposition d'Hervé Marseille une manière de "les articuler" plutôt que de "les opposer".
"Epidermique"
"Il y a un problème de constitutionnalité", a noté le ministre des Transports Patrice Vergriete. "Nous ne souhaitons pas monter les Français les uns contre les autres, ceux qui ont les moyens de partir en vacances contre ceux qui se lèvent tous les matins pour aller au travail", a-t-il ajouté, suscitant des huées à droite de l'hémicycle.
L'ensemble de la gauche a également prévu de s'opposer en bloc à ce texte.
"C'est un texte épidermique pour agiter un chiffon rouge avant les Jeux olympiques", s'alarme le socialiste Olivier Jacquin, échaudé par les débats très houleux survenus en commission la semaine passée.
"Ce texte n'a qu'une utilité, c'est de souffler sur des braises à la veille des JO, dans le contexte de tensions que l'on connaît dans les transports collectifs", se désespère l'écologiste Jacques Fernique.
Si la proposition de loi initiale incluait le secteur aérien, celui-ci a finalement été exclu.
Dans un communiqué, la CGT transports a de son côté fustigé "l'élan de populisme" de la majorité sénatoriale, l'accusant de vouloir "mieux servir les intérêts du capital contre celui des agents et des usagers du service public de transport".