Selon des sources proches du dossier, les mis en examen sont le patron de l'entreprise, deux auditeurs et un consultant. Ils contestent les faits reprochés, entre 2013 et 2015, quand ils étaient alors tous scientologues.
Ces mises en examen, prononcées entre octobre et mars derniers, sont les premières dans cette affaire vieille de huit ans.
Dans une plainte de juin 2014, une douzaine de salariés d'Arcadia, société spécialisée dans l'aménagement de combles basée à Voisins-le-Bretonneux (Yvelines), au sud-ouest de Paris, estimaient que la direction de leur entreprise avait été "infiltrée" par des scientologues pour la "piller financièrement".
Ils affirmaient avoir été forcés de suivre des formations dispensées par des scientologues, subir une "sujétion psychologique" et un "dénigrement de l'équipe commerciale".
Le 30 juin 2014, l'entreprise entrait en cessation de paiements. Une enquête préliminaire avait été ouverte à Versailles en juillet 2014, puis une instruction en août 2015.
En janvier dernier, le patron d'Arcadia a été mis en examen pour "harcèlement moral", "complicité de banqueroute" et "abus de biens sociaux". La juge d'instruction l'a notamment interrogé sur le recours à des concepts de l'Eglise de scientologie au sein de son entreprise et sur des lourdes factures réglées aux auditeurs alors que la situation financière d'Arcadia s'aggravait.
"Mon client a deux ennemis dans ce dossier", a défendu son avocat, Marc Bensimhon. D'une part, "les douze salariés" plaignants qui avaient, selon lui, "fomenté l'idée de faire tomber l'entreprise" et dont certains ont créé, en 2015, une société dans le même secteur.
Contacté, leur avocat, Me Olivier Morice, n'a pas souhaité commenter.
Et d'autre part, a affirmé Me Bensimhon, les deux auditeurs qui "ont pillé l'entreprise" et berné son patron.
L'appartenance des auditeurs à l'Eglise de scientologie a-t-elle joué un rôle dans la place que le patron leur a rapidement accordée ? "Aucunement", a répondu ce dernier, âgé de 67 ans, à la juge, assurant que ses croyances étaient strictement personnelles.
"Comprendre le mental"
Le patron dit avoir d'abord eu recours à un auditeur pour ses compétences de charpentier. Cet auditeur, qui a aussi prodigué des "formations en communication" aux commerciaux, a été mis en examen en novembre pour "harcèlement", "recel de banqueroute" et "abus de biens sociaux".
"Huit ans après l'ouverture de l'instruction", cette mise en examen "soulève de sérieuses questions quant à la consistance du dossier", a déclaré son avocat, Me Thomas Heintz, contacté par l'AFP.
Cet auditeur technique a ensuite recommandé un auditeur financier, lui aussi scientologue, qui a eu accès aux codes des virements bancaires. Lui a été mis en examen en octobre pour "banqueroute", "abus de biens sociaux" et "harcèlement moral".
Ce changement de statut va lui permettre "de pouvoir enfin se défendre", estime son avocate, Me Noémie Saidi-Cottier, pour qui le dossier repose sur une "instrumentalisation de la scientologie" alors que l'affaire relève plutôt d'un "conflit au sujet de la reprise d'une société" entre patron et salariés.
Devant la juge, les auditeurs ont précisé avoir été "mis à pied" par l'Eglise de scientologie.
Le quatrième mis en examen, pour "complicité de harcèlement moral", est un consultant qui a initié le patron à la scientologie et qui réalisait des tests psychologiques au moment des recrutements pour savoir si les candidats étaient "culture pro ou anti-entreprise".
En mars, il a expliqué à la juge être "formé à comprendre le mental" grâce à des "formations en scientologie".
Il conteste les faits reprochés, selon son avocat Raphaël Mayet, qui voit dans cette procédure une "forme de combat contre l'Eglise de la scientologie".
Ce mouvement fondé en 1952-1953 par L. Ron Hubbard, estime compter en France environ "40.000 à 45.000 membres, toutes catégories confondues". Il est surveillé par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les sectes (Miviludes), qui le considère comme une secte.