"On n'est pas contre, mais Bessens ne peut pas être le pays du photovoltaïque", affirme Eric Escabasse, président de la société de chasse de ce village situé à une vingtaine de kilomètres de Montauban.
Au volant de sa voiture, il parcourt les chemins boueux bordés de chênes qu'il connaît par cœur et où il avait l'habitude de chasser avant que 34 hectares soient recouverts de panneaux photovoltaïques.
Le troisième projet à l'étude sur la commune ne passe pas pour cet homme de 57 ans qui mène la fronde. "J'espère avoir des petits-enfants, mais je ne veux pas les promener au milieu des panneaux solaires", explique-t-il à l'AFP.
Pour le maire, Adrien Raphet, âgé de 34 ans, une implantation supplémentaire serait un non-sens. Sur cette commune de 1.500 habitants se produit déjà l'équivalent de la consommation annuelle en électricité de 15.000 personnes, hors chauffage.
"De notre côté, l'effort a été fait. On demande à ce qu'il soit réparti", souligne le jeune édile.
Sans bénéfice direct
Ce troisième projet, porté par Valorem, entreprise basée en Gironde, a fait l'objet d'une enquête publique, dont la synthèse doit être remise à la préfète du Tarn-et-Garonne, décisionnaire sur le sujet.
Il concerne un peu plus de 11 hectares où seraient produits 12 GWh selon Valorem, de quoi couvrir les besoins de plus de 17.000 usagers, hors chauffage.
Une pétition, portée par Eric Escabasse, a recueilli plus de 600 signatures de Bessinois qui y sont opposés.
"On se sent spoliés, on sacrifie notre territoire et on n'a rien en retour", estime Adrien Raphet, selon lequel "la transition ne peut pas se faire contre la population".
Sollicitée par l'AFP, la préfecture du Tarn-et-Garonne n'a pas souhaité s'exprimer.
A Bessens, la colère est alimentée par les deux premiers parcs, dont les travaux ont perturbé le quotidien des habitants, sans leur bénéficier directement.
L'entreprise qui les a bâtis ne verse que 3.000 euros par an à la municipalité pour l'utilisation des chemins communaux.
Valorem en propose 45.000. "On arrive selon nous avec un bon projet, mais trop tard", estime Frédéric Petit, responsable de l'entreprise pour l'Occitanie. "Si les deux premiers parcs n'avaient pas été construits, ça se serait passé complètement différemment."
Un avis que partage Eric Escabasse: "On savait bien qu'il fallait faire la transition écologique, mais on pensait qu'ils allaient mettre ces parcs et que ça allait s'arrêter".
C'est la proximité d'un point de raccordement au réseau électrique qui attire les producteurs d'énergie solaire.
Pour empêcher tout nouveau projet, le maire entend sanctuariser le secteur grâce à son classement prochain en zone naturelle réservoir écologique (NRE) par l'intercommunalité.
Solution alternative
Il propose également une solution alternative en prônant l'utilisation des toitures de la zone d'activités de 400 hectares située dans la commune voisine de Montbartier.
Une possibilité qu'envisage Valorem, sans toutefois renoncer au projet à Bessens.
"Plus qu'une alternative, c'est complémentaire", affirme Frédéric Petit. "Pour arriver à la souveraineté énergétique, les toitures, ça ne suffira pas : il faudra des parcs au sol, de l'éolien, de la méthanisation..."
Les Bessinois envient le sort d'Urriés, en Espagne, localité avec laquelle leur commune est jumelée et où une centrale solaire pourrait voir le jour, permettant aux habitants de ne plus payer l'électricité.
"Dans ce cas-là, on se dirait que ça vaut le coup, qu'ils nous ont pris un terrain, mais qu'on a un retour. Mais maintenant, c'est trop tard", juge Eric Escabasse.
Les opposants, qui dénoncent le défrichage de sept hectares de forêt et craignent des problèmes lorsque viendra le temps du démantèlement des installations, ne rendent pas les armes.
"On se bat contre des grosses sociétés", souffle toutefois Eric Escabasse, qui attend de pied ferme la décision préfectorale.
Si un projet solaire de 75 hectares a fini par être abandonné en Aveyron fin mars, le fer de lance des anti-voltaïque de Bessens confie qu'il n'est "pas optimiste".