La culture du chanvre a occupé jusqu'à 176.000 hectares en 1860, principalement pour faire de la toile et du papier, mais était tombée à 700 hectares en 1960. Aujourd'hui, le chanvre est cultivé par près de 1.500 agriculteurs sur 17.000 hectares. Les six chanvrières hexagonales, privées ou coopératives, transforment et commercialisent 100.000 tonnes de fibre.
Cavac Biomatériaux, filiale de la coopérative vendéenne du même nom, a ainsi installé sur la commune de Sainte-Gemme-la-Plaine, près de Luçon, une usine qui lui permet de transformer la matière première en isolants, en vrac ou en panneaux, pour fournir directement le secteur du bâtiment.
Il y a 12 ans, la Cavac "voulait aller vers l'aval en créant une filière industrielle pour trouver des débouchés aux produits de ses coopérateurs" et ainsi capter la valeur ajoutée, explique son président Jérôme Cailleau.
"Le chanvre s'est imposé", raconte-t-il, d'abord pour ses propriétés agronomiques: c'est une culture annuelle qui permet d'alléger le temps de travail des agriculteurs, et pousse sans pesticides ni irrigation.
"Le chanvre s'intègre parfaitement dans le système de rotation" des cultures, assure Jean-Marie Gabillaud, agriculteur en Vendée, car "le champ est plus propre et le rendement est supérieur sur la culture d'après".
Autre argument en faveur du chanvre, la possibilité de se diversifier avec une filière non alimentaire, renouvelable, qui capte le CO2, "tout en répondant à la montée du goût pour les matériaux naturels", souligne le président.
"En 2009, nous sommes partis de zéro", tout était à construire dans la filière, de l'apprentissage des méthodes de production par les agriculteurs au traitement industriel. Entre la crise du bâtiment, l'incendie du bâtiment et les difficultés à obtenir un certificat de production, les débuts ont été difficiles, témoigne Olivier Joreau, directeur général adjoint de la Cavac.
Fibre et chènevotte
Aujourd'hui, environ 150 coopérateurs cultivent 2.000 hectares de chanvre dans un périmètre de 100 kilomètres autour de l'usine. Celle-ci emploie 45 salariés et produit 15.000 tonnes d'isolants et autres co-produits par an.
Les balles de chanvre sont passées à plusieurs reprises dans des machines qui séparent la fibre de la chènevotte, la partie intérieure rigide de la tige, qui permet notamment de faire du béton de chanvre.
La fibre est pour sa part mélangée à un liant, affinée, peignée, et cuite. Elle est ensuite conditionnée en rouleaux ou en plaques d'épaisseurs variables d'isolant prêt à poser.
"L'outil de production tourne", assure M. Joreau qui se dit "très confiant dans l'avenir".
Depuis la création de l'usine, l'évolution des réglementations concernant les bâtiments basse consommation et la meilleure prise en compte de l'empreinte carbone des matériaux jouent pour l'isolation en chanvre.
Reste le problème du surcoût que représente ce matériau, évalué à 10% par l'interprofession.
Pour dépasser ce frein, nous "attendons des incitations financières ou fiscales de l'Etat", explique M. Joreau, car l'objectif est de "prendre des parts de marché aux isolants traditionnels" à base de matériaux non renouvelables.
Il faut aussi se faire connaître, et pour cela, l'interprofession a poussé des professionnels du bâtiments et des industriels à se porter candidats à la construction du village olympique à Saint-Denis et des bâtiments pour la presse au Bourget pour les jeux Olympiques de 2024.
"L'idée est d'utiliser ces bâtiments, qui ne nécessitent ni climatisation ni chauffage, comme vitrines du savoir faire" de la filière, indique la directrice d'InterChanvre Nathalie Fichaux.
"Faire entrer dans les têtes que le confort d'été est aussi important que le confort d'hiver, et choisir les athlètes pour en faire la démonstration, ce serait formidable", souligne le président de l'association Construire en Chanvre, Jean-Claude Daniel.