Les derniers indicateurs témoignent donc sans surprise d’une poursuite de la dégradation des ventes de logements qui vont venir amplifier la chute des permis et des mises en chantier déjà à l’œuvre depuis plusieurs mois. Et la construction non résidentielle évolue moins bien que prévu. Du côté des travaux publics, si l’activité résiste un peu mieux, elle n’en demeure pas moins fragile et sans ampleur. Les carnets de commandes manquent d’épaisseur et de régularité, la commande publique et les investissements en infrastructures des communes faisant toujours défaut à trois ans des prochaines élections municipales. Dans ce contexte, les prévisions d’activité du BPE et des granulats pour 2023 ont été revues d’un point à la baisse par rapport à mars dernier.
En mai l'activité ralentit encore en granulats et BPE
D’après les premiers résultats de notre enquête mensuelle, les volumes d’activité de nos matériaux auraient de nouveau cédé du terrain entre avril et mai. Ainsi, en granulats, la production recule de -0,6% en mai sur un mois pour se situer -5,8% en dessous de ses niveaux d’il y a un an (données CVS-CJO). Sur le dernier trimestre (mars-avril-mai), les volumes perdent encore -2,6% au regard des trois mois précédents et -6,9% en comparaison de la même période d’il y a un an. Compte tenu du net repli du premier trimestre (effet de base défavorable sur 2022), la tendance en cumul sur les cinq premiers mois de 2023 atteint -9,2% sur un an ; mais le rythme annuel se stabilise autour de -7% sur les derniers mois.
Du côté du BPE, les livraisons ont également fléchit de -1,3% en mai, comparé à avril, et de -6,8% par rapport à mai 2022 (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois connus (mars à mai), les cubages produits ont ainsi perdu -3,6% au regard des trois mois précédents (décembre à février) et affichent un niveau inférieur de -6,1% par rapport à ceux enregistrés au cours de la même période de l’an passé. C’est d’ailleurs cette même tendance qui ressort pour la production cumulée des cinq premiers mois de l’année (-6,1% sur un an), un rythme un peu en dessous de celui constaté sur le cumul douze mois et qui, comme pour les granulats, varie assez peu depuis février (autour de -5,4%).
L’indicateur matériaux, encore provisoire pour le mois de mai, confirme une orientation assez baissière de l’activité. Après un premier trimestre en chute de -9,9% en glissement annuel, l’activité du panier de matériaux affiche une baisse de -7,9% en mai, ce qui laisse le cumul sur les cinq premiers mois de l’année à -8,9% sur un an (données CJO). Aucun des matériaux qui composent l’indicateur n’échappe au repli, les briques et les produits en béton pour les TP enregistrant même un recul à deux chiffres.
Bâtiment : la descente se poursuit
Comme on pouvait s’y attendre, la tonalité des enquêtes menées dans le secteur du bâtiment s’assombrit au fil des mois. Ainsi, le climat des affaires mesuré par l’INSEE auprès des professionnels continue de se replier, pour le sixième mois consécutif, pour atteindre 107 en juin, s’éloignant de son point haut d’octobre 2022 à 114,5. Il reste cependant encore supérieur à 100, témoignant d’une activité jugée encore favorable par les entrepreneurs comme le confirme le solde de l’activité passée, encore positif et au-dessus de sa moyenne de long terme. En revanche, le solde d’opinion sur l’activité prévue a franchi le territoire négatif, notamment dans le segment du gros œuvre où il se replie sensiblement depuis mars. Si les carnets de commandes affichent encore 9,2 mois de travaux dans le gros œuvre (un chiffre quasi-constant depuis six mois), le ressenti des professionnels sur ces carnets se détériore nettement, ce qui traduit une raréfaction singulière des nouvelles commandes. En corolaire d’une activité qui ralentit, les difficultés d’approvisionnement continuent de refluer : alors que plus de 60% des entreprises du gros œuvre étaient dans l’incapacité de produire plus en novembre 2022, elles ne sont plus que 44% dans ce cas en juin. Les difficultés de recrutement se modèrent (70% des entreprises sont concernées contre 84% en juin 2022) en liaison avec l’évolution des effectifs passés et futurs, dont les soldes d’opinion sont désormais négatifs.
Enfin, il y a de moins en moins d’entrepreneurs qui prévoient d’augmenter leurs prix au cours des prochains mois : dans le gros œuvre, le solde d’opinion relatif à cette question a été divisé par 2,5 en un an mais il demeure positif et bien au-dessus de la moyenne de long terme, ce qui suggère que les hausses de coûts/prix perdurent. Le ralentissement de la demande ne se soldera donc pas à court terme par un reflux de l’inflation sur le logement neuf. Pour l’heure, le marché est pris en étau entre l’augmentation des prix d’une part (+5,7% sur un an au premier trimestre 2023 selon l’enquête INSEE sur la commercialisation des logements neufs) et la baisse de la solvabilité des ménages d’autre part. Selon l’Observatoire du Crédit Logement, le taux moyen des crédits habitat (hors assurances) atteignait 3,45% en juin 2023, soit une augmentation de 110 points de base depuis janvier et de 193 pdb en un an (1,52% en juin 2022). Un ménage qui pouvait emprunter 100 K€ à la fin de 2021, ne peut plus emprunter que 79,5 K€ en juin 2023 en raison de la hausse des taux. En dépit d’un allongement de la durée des prêts (255 mois en moyenne à fin juin pour l’achat du neuf), la capacité d’emprunt des ménages se dégrade ce d’autant que l’application des critères du HCSF s’est renforcée sur la période récente. Résultat, au deuxième trimestre, la production de crédit et le nombre de prêts accordés ont plongé de plus de 51% sur un an. Ces tendances corroborent celles des ventes de maisons individuelles constatées par Markémetron en mai : ces dernières se contractent de -43,3% sur un an. C’est le plus bas niveau des ventes enregistrées en mai sur les 20 dernières années, ce qui laisse le cumul sur les cinq premiers mois de -45,2% inférieur au niveau moyen de long terme sur cette période. Les permis logements qui, de mars à mai, reculent de -31,6% (-18% en cumul sur douze mois) vont donc continuer de s’enfoncer à l’instar des mises en chantier dont la tendance affiche un repli de -18% sur les trois derniers mois et de -11,1% en cumul sur douze mois. Selon les dernières prospectives de la FFB, à politique inchangée et compte tenu des indicateurs disponibles à ce jour, le niveau des mises en chantier pourrait tomber à 275.000 logements en 2025, soit 68.600 de moins qu’à ce jour !
TP : repli en mai
Selon la dernière enquête menée par la FNTP, l’activité des travaux publics observe un repli en mai (-3,6% par rapport à avril) mais reste assez proche du niveau de l’an passé (-0,5%, en euros constants, données CVS-CJO). Sur les cinq mois de 2023, les travaux réalisés progressent mollement, de +1,1% sur un an. Cette progression masque aussi des diversités dans la nature des chantiers, ceux consacrés à la route et aux terrassements étant bien plus mal orientés. De même, le rebond des prises de commandes constaté certains mois (+14,5% en volume sur un an pour les cinq mois de 2023), surtout liés à l’attribution de lots sur des grands projets, recouvre des situations contrastées et hétérogènes selon les territoires (grandes métropoles versus les plus petites communes) ou encore selon les maîtres d’ouvrage (privés/publics). Or, seul un réveil de l’investissement des collectivités locales permettra d’équilibrer et de consolider l’activité.
Chiffres clés
Perspectives matériaux : en 2023, la production de BPE est attendue en recul de -6% tandis que celle des granulats pourraient se replier de -7%.
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