Les enquêtes-flash réalisées chaque semaine par le GIE CERC auprès de 1416 entreprises du bâtiment confirment ce redémarrage. Cependant, même si la part des chantiers en activité « normale » est également en hausse en mai, cette activité n'est pas effective sur la totalité des chantiers. Pour autant, il ne faudrait pas occulter un point important qui risque de compromettre la reprise et met en péril nombre d'entreprises. Il s'agit de l'absorption des surcoûts car de nombreuses entreprises travaillent à perte aujourd'hui compte tenu du refus de nombre de clients, notamment particuliers, d'en tenir compte. Après deux mois d'arrêt ou de confinement, comment prendre le risque de perdre sa clientèle ? Cette problématique est particulièrement préoccupante pour les entreprises artisanales. Dans l'attente de son étude exhaustive sur le sujet, la CAPEB dévoile l'estimation des trois principaux postes de surcoûts : la coactivité, la désinfection et les équipements de protection.
« Depuis le déconfinement, nous constatons une hausse du redémarrage de l'activité du BTP estimée entre 50% et 60% par rapport à la situation d'avant crise sanitaire. Et nous nous en réjouissons. Mais les retours terrain dont la CAPEB dispose vont tous dans le même sens : les surcoûts de la sécurité sanitaire. Les situations sont très différentes dans le neuf ou en rénovation, ce qui explique la fourchette de notre estimation. Les 3 grands postes de surcoûts sont : la coactivité qui est le plus important et qui peut atteindre dans certains cas 50% du surcoût total, la désinfection et dans une moindre mesure les équipements individuels et/ou collectif de protection. La « coactivité », englobant le transport, est le surcoût de production le plus lourd à supporter. La distanciation sanitaire oblige les équipes, les salariés et les métiers à intervenir successivement sur un chantier, ce qui allonge, de surcroit en site occupé, les délais de réalisation. Perdre des heures, perdre du temps, protéger efficacement ses salariés et ses clients augmentent les charges. Alors bien sûr, pour le moment les entreprises font face, mais pour combien de temps ? A ce titre, la désinfection est un enjeu essentiel pour rassurer les clients et notamment les particuliers en entretien-rénovation en site occupé. Ce surcoût est incompressible pour redonner la confiance. A la nécessaire réorganisation sanitaire des chantiers pour mettre en œuvre les gestes barrières, s'additionnent les difficultés d'approvisionnement et une charge administrative en hause liée au Covid-19. A ce stade, il est encore difficile de connaître avec certitude le montant exact de tous ces surcoûts mais nous pouvons d'ores et déjà affirmer que le retour de l'activité sur certains chantiers se fait à perte. Nous restons donc très attentifs à l'évolution de ces surcoûts qui, selon notre première estimation, varierait entre les différents types de marchés : entre 10 et 20% en entretien / rénovation et 10% dans le neuf. Cette situation est évidemment extrêmement préoccupante et pourrait conduire à de nombreuses défaillances d'entreprise si rien n'est fait. A moyen terme, l'expérience me dit que de nouvelles méthodes de travail, d'organisation, de phasage des chantiers seront à inventer ». - Patrick Liébus, président de la CAPEB
Estimation des surcoûts
- La coactivité/productivité (allongement des délais, coordination, phasage complexe à organiser, location de nouveau moyen de transport ….) va engendrer un surcoût entre 4 et 10% du coût journalier. Ce poste peut représenter jusqu'à 50% du surcout sanaitaire total.
- Les équipements (gants, masques, gel…) vont représenter entre 2 et 4% du coût journalier
- La désinfection (décontamination, nettoyage du matériel, outillage supplémentaire…) entre 4 et 8% du coût journalier.
- Les surcoûts sont plus élevés en rénovation notamment en site occupé. On estime ainsi le surcoût moyen entre 10 et 20% en entretien-rénovation contre 10% dans le neuf.
Reprise des chantiers : une montée en puissance de l'activité inégale en fonction des régions
La publication des recommandations sanitaires élaborées par l'OPPBTP ainsi que le déconfinement ont permis aux entreprises du bâtiment de reprendre sensiblement leur activité. Les résultats de l'enquête-flash GIE-CERC montrent qu'au 14 mai, ce sont 72% des chantiers qui étaient ouverts contre 53% au 5 mai. Au 14 mai, 37% des chantiers affichaient un niveau d'activité normale alors qu'ils n'étaient que 22% avant le déconfinement. Une montée en puissance qui permet de maintenir l'activité de 76% des salariés du BTP et intérimaires ETP (en équivalant temps plein) contre 57% au 5 mai.
Cette hausse de l'activité connaît cependant de fortes disparités entre les régions. Ainsi, la part des chantiers en activité normale dans le Sud-Est de la France (36%) et le Nord-Est (48%) est plus importante qu'en Ile-de-France (22%). A noter que certaines activités peinent à reprendre. C'est le cas de l'activité commerciale dont les carnets de commandes se sont drastiquement réduits pendant le confinement et qui mettront plusieurs semaines avant de se remplir à nouveau. Une situation également délicate dans le secteur des marchés publics qui n'ont pas encore tous réouvert. Les entreprises artisanales attendent pourtant un soutien fort de la part de la commande publique. En tout, ce sont donc encore 15% des chantiers qui sont fortement ralentis et 28% des chantiers qui sont toujours à l'arrêt. Une situation qui devrait s'améliorer dans les jours à venir. Ainsi, 33% des chantiers qui étaient à l'arrêt au 14 mai devraient reprendre d'ici le 18 mai. Les artisans renouent également avec la confiance : 67% des chefs d'entreprises déclarent avoir confiance en la reprise de leur activité contre 58% le 5 mai.
Malgré la reprise de l'activité, le contexte sanitaire particulier dans lequel les entreprises artisanales du bâtiment travaillent comporte son lot de difficultés qui continuent de ralentir les chantiers.
Des difficultés toujours présentes et recensées par la CAPEB, qui ralentissent fortement les chantiers
- Des difficultés d'approvisionnement : les artisans continuent d'être confrontés à un ralentissement d'approvisionnement des matériaux et matériels, notamment en provenance d'Espagne et d'Italie
- Des contraintes administratives en hausse : les charges administratives et les contraintes d'organisation liées au COVID 19 représentent une charge supplémentaire pour les chefs d'entreprises
- Des reports voire des annulations de travaux chez les particuliers : certains particuliers sont toujours réticents quant à la réalisation de travaux chez eux et préfèrent reporter voire annuler des travaux pourtant prévus en amont
- Des reports de paiements dus à l'arrêt des marchés publics : l'arrêt des marchés publics à cause du confinement a entraîné l'arrêt des paiements pour les chantiers réalisés en amont du confinement
- Des difficultés pour gérer les déchets : on constate ainsi un ralentissement de l'enlèvement des déchets du BTP pendant le confinement qui a entrainé l'accumulation des déchets au niveau des entreprises