Avec l'amélioration des "petites pensions", la prise en compte des "carrières longues" ou encore "l'index seniors", les mesures visant à "prévenir et réparer l'usure professionnelle" font partie des compensations sociales mises en avant par l'exécutif pour défendre son projet.
Le compte professionnel de prévention (C2P) doit être déplafonné pour permettre aux salariés exposés à un ou plusieurs des six facteurs de risque listés par ce C2P (travail de nuit, répétitif, en 3x8, avec bruit, sous températures extrêmes, en milieu hyperbare) d'accumuler plus de points.
Des droits qui permettent de financer des formations, de passer à temps partiel ou de valider jusqu'à huit trimestres pour un départ anticipé à la retraite: parfois dès 60 ans aujourd'hui, et donc 62 ans si l'âge légal de départ est relevé de deux ans en 2030.
La valeur du point serait améliorée, ce qui permettrait d'accroître les droits à formation ou au temps partiel. Et le C2P devrait trouver un quatrième débouché avec la création d'un congé de reconversion, qui pourrait tenter des salariés souhaitant quitter des métiers pénibles.
En outre les seuils d'acquisition de points seraient abaissés pour le travail nocturne (100 nuits par an contre 120 aujourd'hui) ou en "équipes successives alternantes", notamment en 3x8 (30 nuits contre 50). Ce qui ouvrirait des droits à 60.000 personnes de plus chaque année, selon le gouvernement.
L'exécutif a en revanche refusé de réintégrer les trois facteurs de pénibilité dits "ergonomiques" (ports de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) exclus du compte en 2017.
Ces critères sont "extrêmement difficiles à mesurer individuellement", a fait valoir le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Pas question, donc, de satisfaire la demande unanime des syndicats, qui exigeaient leur réintégration, alors qu'a contrario le patronat ne voulait pas en entendre parler.
"Usine à gaz"
L'enjeu n'est pas mince car les risques ergonomiques, à l'origine des troubles musculo-squelettiques (TMS), "représentent 90% des maladies professionnelles reconnues", de l'aveu même de l'étude d'impact de la réforme.
Faute de prise en compte de ces critères dans le C2P, "il faudra être malade pour partir à la retraite plus tôt", déplore Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa.
Accusé d'inaction sur les risques ergonomiques, le gouvernement s'est défendu en présentant des mesures spécifiques.
D'abord, un nouveau "fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle", le Fipu, sera doté d'un milliard d'euros sur cinq ans par le régime des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), branche excédentaire de la Sécurité sociale, pour financer notamment des actions de formation. Des accords de branche seront censés identifier les métiers les plus exposés.
Ensuite, un suivi individuel sera mis en place à partir de 45 ans pour les salariés "dont l'état de santé est altéré", selon le gouvernement. Lors d'une visite médicale entre 60 et 61 ans, ils seront informés de la possibilité de bénéficier d'une pension pour inaptitude.
Les soignants du public auront leur propre fonds de prévention, qui mobilisera 100 millions d'euros pour faire face à des risques particulièrement élevés: en 2021, 12% des infirmiers, 18% des aides-soignants et 25% des agents des services hospitaliers qualifiés étaient en maladie à l'heure de liquider leur retraite.
Le meccano gouvernemental sur la pénibilité ressemble à "une usine à gaz", critique Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC, qui a plaidé - en vain - pour "un carnet de santé tout au long de la vie professionnelle", afin de "faire reconnaître des droits plus facilement". Le compte n'y est pas, alerte la responsable syndicale, en ajoutant: "et tant qu'on reste sur un âge légal à 64 ans, le compte y est encore moins".