Le projet de la Centrale électrique de l'Ouest guyanais (CEOG) est contesté depuis des années par les habitants de Prospérité (ou Atopo Wepe), village amérindien de l'ethnie kali'na situé à deux kilomètres du site. Ils jugent la centrale trop proche des habitations et demandent de lui trouver un autre point de chute.
"Saisir l'ONU est l'un des seuls moyens aujourd'hui pour se faire entendre", a déclaré à l'AFP le secrétaire général du Grand conseil coutumier des peuples autochtones de Guyane, Jean-Philippe Chambrier.
La plainte a été déposée à la demande du chef coutumier du village, Roland Sjabere, par l'Organisation des Nations autochtones de Guyane française (ONAG) avec le soutien du Service international pour les Droits de l'Homme (ISHR), une ONG basée à Genève, devant le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale qui ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les Etats.
Dans un communiqué, l'ONAG et l'ISHR indiquent avoir saisi le comité de l'ONU face à "l'avancée des travaux et à l'épuisement des voies de recours dans les juridictions françaises".
"En Guyane, les besoins et les traditions des peuples autochtones continuent d'être des questions secondaires pour les autorités", a indiqué M. Sjabere, cité dans le communiqué.
"En persistant dans ce projet sous cette forme et à cet emplacement, la République française foule du pied notre identité et met en péril notre mode de vie et l'avenir de nos peuples", a-t-il ajouté.
La plainte affirme que le projet se situe sur les terres que les habitants de Prospérité utilisent pour "la chasse, la pêche et la cueillette" et dénonce son "impact environnemental" ainsi que "les conséquences de sa réalisation sur leur mode de vie et leurs moyens de subsistance".
"Sans tarder"
L'ONAG et l'ISHR demandent au comité de l'ONU de se saisir du dossier "sans tarder" et d'enjoindre à la France "de mettre fin immédiatement" au projet de construction", insistant sur le fait que "les habitants du village ne s'opposent pas au projet en tant que tel mais à son emplacement".
Entamés en novembre 2022, les travaux ont été interrompus durant cinq mois, pendant la saison des pluies, la CEOG invoquant des "contraintes techniques et météorologiques".
Protégés par un important déploiement de forces de l'ordre en raisons des tensions, les ouvriers ont recommencé mi-août 2023 les opérations de déboisement dans cette zone de l'Ouest de la Guyane, sur la commune de Mana.
Henry Hausermann, directeur général de la CEOG, a indiqué à l'AFP ne pas être au courant du dépôt de la requête auprès de l'ONU.
"Nous sommes au travail pour permettre à cette usine, attendue par la population, de sortir de terre", a-t-il dit.
"Nous avons profité du beau temps pour terminer le déboisement et aujourd'hui nous sommes dans la phase de terrassement et de création des accès, des routes. Nous commencerons bientôt l'implantation des panneaux solaires", a-t-il ajouté. La mise en service est prévue courant 2026.
Cette centrale photovoltaïque est censée, à terme, alimenter en électricité 10.000 foyers via une technologie de stockage de l'énergie fonctionnant à l'hydrogène.
Le projet, dont la genèse remonte à 2017, associe pour 170 millions d'euros le fonds d'investissement français Meridiam (à 60%), la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (à 30%) et Hydrogène de France (à 10%).
Le village Prospérité a reçu le soutien de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), mais la centrale fait plutôt consensus parmi les élus locaux qui se sont majoritairement prononcés en sa faveur, la Guyane étant sujette à de fréquentes coupures d'électricité.