"Il y a des difficultés et ça peut amener certaines décisions, mais certainement pas des décisions d'aubaine. Et il faut que les choses soient claires" entre General Electric (GE) et le gouvernement français, a dénoncé M. Le Maire devant des sénateurs.
Une flèche directe envoyée à la direction du géant américain, qui a annoncé mercredi son intention de restructurer ses divisions européennes d'équipements pour barrages (Hydro), qui concerne son site de Belfort, et de réseaux électriques (Grids).
GE a mis en avant "des pertes financières importantes" dans ces deux activités, en difficulté depuis plusieurs années, mais sans préciser l'impact de sa décision sur l'emploi. Selon des sources syndicales, 753 postes seraient supprimés en France.
Chez GE Hydro France, un plan de sauvegarde de l'emploi impliquerait "la fermeture du site de Belfort (83 postes sur 89 salariés) et une forte réduction d'effectifs du site de Boulogne (36 postes sur 43 salariés)", a indiqué jeudi l'intersyndicale de GE Hydro à Belfort dans un communiqué.
Dans la foulée de l'annonce de GE, Bercy avait indiqué que "la crise frappe toutes les entreprises, et en particulier General Electric" et que l'Etat serait "attentif à ce que ces restructurations (...) maintiennent un maximum d'activité et d'emploi".
Mais l'annonce du groupe américain a hérissé les élus et les syndicats du groupe dans les territoires où GE est implanté.
"Brique par brique, le groupe américain tue les savoir-faire et les compétences qui font la fierté et l'excellence de notre industrie", a dénoncé Marie-Guite Dufay, présidente (PS) de la région Bourgogne-Franche-Comté.
A Belfort, où GE a déjà supprimé de nombreux emplois, le maire (LR) Damien Meslot s'est dit "consterné". Pour lui, les décisions de GE sont "inadmissibles" et laissent augurer "le démantèlement du site" belfortain, principale implantation de GE dans l'Hexagone.
"Nous avons connu un important plan de délocalisation dans l'activité Gaz, il n'y a aucune raison que GE n'applique pas cette stratégie à ses autres activités", a déclaré à l'AFP Alexis Sesmat, délégué Sud à GE Belfort.
Jeudi, Bruno Le Maire leur a finalement emboîté le pas. "Je vois se profiler par exemple, à Belfort, chez General Electric, un certain nombre de propositions qui ne me paraissent pas toutes correspondre aux engagements qui ont été pris par GE" en 2014, au moment du rachat d'Alstom Energie par le groupe américain, et en 2019 dans le cadre d'un précédent plan social, a estimé le ministre.
Engagements
"Nous veillerons à ce que GE respecte ses engagements et que le partenariat que nous avons constuit avec les salariés de GE, avec la direction de GE, avec l'Etat, puisse se poursuivre sur de bonnes bases", a-t-il ajouté, indiquant qu'il parlerait prochainement au PDG du groupe américain, Larry Culp.
Du côté de GE, on ne souhaite pas commenter les propos du ministre.
Ce respect des engagements pris par le groupe au moment du rachat controversé de la branche énergie d'Alstom (emploi, maintien de sites, etc.), promu à l'époque par Emmanuel Macron, alors à Bercy, constitue une pomme de discorde récurrente entre l'Etat et le groupe américain.
Ce dernier assure les avoir tenus, puisque faute d'avoir créé les 1.000 emplois promis en France, il a finalement acté qu'il devra payer 50 millions d'euros de pénalités.
Ainsi, malgré l'annonce de créations de postes dans plusieurs branches depuis 2015, il a taillé dès 2016 dans ses effectifs dans l'énergie et encore supprimé en 2017 quelque 350 postes (sur 800) à l'usine GE/Hydro de Grenoble, son PDG d'alors jugeant l'entreprise "très décevante".
Et l'an dernier, l'Etat avait dû monter au créneau pour obtenir du groupe qu'il taille moins dans les effectifs de son site belfortain de production de turbines à gaz, dans le cadre d'un plan social prévoyant la suppression initiale de près de 1.050 postes en France.
"Dans tous les business de GE, il faut désormais prendre en considération que le groupe ne créera plus d'emplois dans les années à venir, mais en détruira", a estimé vendredi Philippe Petitcolin, délégué CFE-CGC de GE Power à Belfort.