Après cinq ans de travail pour un budget de cinq millions d'euros, le Comité des Champs-Elysées, qui regroupe depuis 1916 les acteurs économiques et culturels de l'avenue mondialement connue, a présenté lundi ses 150 propositions pour "réenchanter" les lieux.
Trop chère, accaparée par les marques de luxe, trop bruyante, trop polluée ou impossible à traverser... Selon son président Marc-Antoine Jamet, le Comité est parti du constat "alarmant" selon lequel l'avenue "n'était plus aimée, n'était plus aimable, désertée par les Parisiens, crainte par les étrangers", bref que "tout le monde la fuyait".
Dernier symptôme en date: le cinéma UGC Normandie fermera ses portes en juin du fait de "la chute de la fréquentation" des cinémas de l'avenue longue de deux kilomètres.
Fin 2023, un autre cinéma historique, le Gaumont-Marignan, avait également fermé ses portes, tandis que la Fnac, plombée par la hausse de son loyer et la baisse de sa clientèle, fermera les siennes fin 2024.
Pour attirer de nouveau les Parisiens, l'étude aux 1.800 pages et 400 cartes, qui a mobilisé 183 experts, propose de refaire des Champs-Elysées le lieu de promenade chanté dans les années 1970 par Joe Dassin.
Les auteurs préconisent d'augmenter de 13% l'espace réservé aux piétons en élargissant les trottoirs sur la partie haute de l'avenue, en réduisant de six à quatre le nombre de voies réservées à la circulation et en doublant la largeur des pistes cyclables.
Des espaces de pause devraient également être installés, notamment huit "salons végétaux" de 150 m2, avec "des assises, de l'ombre en été et une fontaine", ainsi qu'un réseau de sanitaires gratuits avec nurseries.
"Refuge climatique"
"Il s'agit de maintenir l'équilibre entre touristes étrangers et Parisiens, (...) entre les activités publiques et les activités privées, (...) entre une activité qui serait muséale mais qui mettrait l'avenue sous cloche et la nécessité absolue d'innovation", a commenté devant la presse Marc-Antoine Jamet.
Aujourd'hui délaissés, les 20 hectares de jardins proches de la Concorde deviendraient "un vrai parc parisien, l'égal du Luxembourg et des Buttes-Chaumont", avec des aires de jeu pour enfants, des jeux d'eau et des fontaines.
L'objectif est également d'adapter l'avenue au réchauffement climatique en augmentant de 120% les sols perméables, en plantant 160 arbres et en aménageant 1 hectare de prairies et massifs.
Les auteurs ambitionnent de réduire de 33% l'empreinte carbone en 50 ans et de baisser de 1 à 7 degrés la température moyenne ressentie afin de transformer l'avenue en "refuge climatique" en cas de canicule.
Pointant le "désordre visuel et formel" dont souffre également l'avenue, ils appellent à préserver le mobilier urbain de la Belle Epoque (colonnes Morris, fontaines Wallace) et à créer "une ligne de design Champs-Elysées" pour lui donner une "harmonie d'ensemble".
L'étude souhaite enfin "refaire quartier" en programmant une offre culturelle "tout au long de l'année" coordonnée par un "manager culturel et artistique".
A l'instar des pique-niques et dictée géants organisés ponctuellement face à l'Arc de Triomphe, elle suggère d'organiser des "grands événements gratuits et fédérateurs" place de la Concorde: "Nuits magiques" dans les jardins, concerts symphoniques, marchés aux fleurs, et anticipe le retour d'un marché de Noël "de qualité".
N'oubliant pas la proximité du Palais de l'Elysée et de l'Assemblée nationale, les auteurs proposent d'installer une "vigie santé-sécurité" équipée du matériel de premier secours, qui serait ouverte 24h/24, et d'augmenter le nombre de patrouilles pédestres et équestres.
"Nous allons discuter avec tous les partenaires, au premier chef avec la préfecture de police (...) l'idée étant que la maire de Paris puisse au second semestre 2024 présenter les grands arbitrages", a précisé le premier adjoint Emmanuel Grégoire.
Le Comité des Champs-Elysées évalue à 250 millions d'euros le coût de ses propositions. "Il nous semble qu'il ne s'agit pas de coûts mais d'investissements", a relativisé Marc-Antoine Jamet, pour qui le projet génèrera des recettes fiscales supplémentaires qui "ont vocation à financer tout ou une partie de l'investissement".