Le drame "d'Ischia est une tragédie annoncée qui a des causes et des responsabilités précises: une gestion irresponsable du territoire qui, avec l'accélération des effets du changement climatique, est devenue une bombe à retardement", a dénoncé la branche italienne du Fonds mondial pour la nature (WWF) au lendemain de la tragédie.
"C'est très hypocrite de pleurer les victimes maintenant tout en continuant à construire là où on ne devrait pas le faire", fustige l'ONG.
Selon des experts, l'urbanisation légale ou illégale, conjuguée au déboisement, empêche les sols d'absorber l'eau des précipitations, comme cela s'est produit à Casamicciola Terme, localité de l'île où de fortes pluies ont imprégné les terrains surplombant la station thermale et entraîné le glissement meurtrier.
Les constructions abusives sont un sujet récurrent de polémique de l'autre côté des Alpes, les catastrophes naturelles meurtrières qui frappent fréquemment la péninsule étant régulièrement associées à ce fléau.
"Le phénomène triste et répandu des constructions abusives est, dans la mesure où il est la cause, ou l'une des causes des catastrophes, un sujet que l'on ne peut plus éviter", a admis jeudi le ministre de la Protection civile Nello Musumeci.
C'est encore plus vrai à Ischia, île d'origine volcanique de la baie de Naples dont les sols sont particulièrement instables.
"49% du territoire d'Ischia est classé à haut ou très haut risque de glissement de terrain, avec plus de 13.000 personnes habitant dans ces zones", a expliqué mercredi le ministre de l'Environnement Gilberto Pichetto Fratin.
Chiffre plus inquiétant encore: 93,9% des communes italiennes sont à risque de glissement de terrain, d'inondation ou d'érosion de la côte, selon le dernier rapport de l'Institut supérieur pour la protection et la recherche sur l'environnement (ISPRA).
"Il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste pour comprendre que les constructions illégales représentent un multiplicateur de risques qui va bien au-delà des personnes qui y habitent", selon le WWF.
"Clinique suisse"
Face aux constructions anarchiques, la solution la plus souvent choisie en Italie est l'amnistie. Mais la procédure est si longue et compliquée qu'il faut souvent plusieurs années pour obtenir une réponse de l'administration.
Rien qu'à Ischia, ce sont 27.000 demandes d'amnistie qui ont été déposées ces dernières années, selon les médias.
Et quand la justice décide finalement de démolir une construction abusive, ses occupants trouvent souvent des moyens pour contourner la décision.
Cité par le quotidien turinois La Stampa, Aldo De Chiara, un procureur de Naples retraité, spécialisé dans la lutte contre les constructions illégales, décortique les stratagèmes utilisés.
Les occupants d'une maison illégale "faisaient venir les enfants de toute la famille, au sens large, car la présence de mineurs justifie le renvoi de la destruction", raconte-t-il.
Autre technique employée: les forces de l'ordre lorsqu'elles arrivent "trouvent dans les pièces illégales, la véranda ou la salle à manger, des malades reliés à des perfusions comme dans une clinique suisse".
Pour Sergio Piro, un hôtelier de 47 ans qui gère trois établissements dont un à Casamicciola Terme, les constructions illégales ne sont qu'une partie du problème.
"Quand il y a un glissement de terrain dans le nord de l'Italie, on parle de changement climatique, quand il y en a un dans le sud, on parle de constructions illégales", explique-t-il à l'AFP.
"Il est vrai qu'il y a des constructions illégales, mais dans ce cas précis c'est un pan de montagne qui s'est détaché car il n'y a pas eu de travaux de prévention, notamment d'entretien des canaux de drainage", relève-t-il.
"J'ai entendu un énorme bruit quand ce torrent de rochers et de terre a frappé les premières maisons", tempère l'hôtelier, qui tient à souligner que le reste de l'île d'Ischia, qui vit essentiellement du tourisme, fonctionne tout à fait normalement.