Pointant du doigt l'état de "grande fragilité" des vestiges, la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avait indiqué mercredi dans un communiqué que l'option du réenfouissement était "la mieux à même" d'en garantir la préservation, confirmant une information du site d'investigation local Marsactu.
Au même moment, associations et riverains manifestaient sur place leur opposition à un tel scénario, demandant que l'Etat respecte ses engagements de valorisation des 635 m2 classés et encore visibles.
"On ne veut pas enterrer, même s'il ne reste qu'une colonne, elle sera le symbole de ce qu'on a pu faire contre les destructions, on la protégera jusqu'au bout", insiste auprès de l'AFP Joëlle Gilles, présidente du comité de quartier, qui veut sauver "le peu qu'il reste" des vestiges situés à deux pas du Vieux-Port, dont la majeure partie est aujourd'hui définitivement ensevelie sous l'immeuble construit.
Très friables, les pierres de la carrière en activité du Ve siècle avant JC --peu après l'arrivée des Phocéens à Marseille-- au Ier siècle après JC sont notamment menacées par les infiltrations d'eau.
"La conservation de ces vestiges est très difficile", confirme auprès de l'AFP Dominique Garcia, le président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui avait réalisé les fouilles à l'origine de la découverte: ensevelir ces vestiges "pour qu'ils ne disparaissent pas ne me paraît pas totalement dénué de sens", d'autant que "le site a été parfaitement documenté et qu'il est donc préservé, ce qui est le principe de l'archéologie préventive".
Quant à l'intérêt du site, "il n'est pas comparable à la grotte Cosquer" [grotte sous-marine dont une réplique est actuellement en cours d'installation à Marseille, sur le modèle des grottes de Lascaux ou Chauvet], relativise M. Garcia, pour qui la polémique est peut-être "plus politique que patrimoniale".
Même son de cloche du côté de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), selon laquelle "la solution qui serait privilégiée est celle du réenfouissement des vestiges. Le but étant de garantir de manière pérenne la conservation" du site.
"Parole bafouée"
A la mairie de Marseille, on assure qu'aucune information officielle n'a été communiquée sur le devenir du site depuis une réunion avec la Drac en novembre 2020. A l'époque, les trois hypothèses d'un réenfouissement total, d'une valorisation partielle via des fenêtres vitrées ou du maintien de la carrière telle qu'exhumée avec la création d'une halle de protection étaient encore sur la table.
Le scénario de valorisation partielle "nous a été présenté comme quelque chose qui allait être très compliqué, coûteux", se souvient Sophie Camard, la maire des Ier et VIIe arrondissements de Marseille.
Mais "pourquoi avoir sauvé cet espace pour qu'on nous dise après que (...) par défaut il serait réenfoui ? On devait nous présenter un projet pour permettre de continuer à voir ces vestiges", ce qui "était le compromis de l'époque", plaide-t-elle. Projet que les élus marseillais attendent toujours.
Lors du classement d'une partie du site (d'une superficie totale de 6.500 m2) au titre des Monuments historiques par la ministre de la Culture de l'époque, Françoise Nyssen, en septembre 2018, celle-ci avait souligné que sa conservation devrait s'accompagner "d'aménagements spécifiques permettant sa visibilité".
Une "visibilité" qui pourrait, en cas de réenfouissement, prendre la forme d'une réplique virtuelle du site, dont l'intégralité a fait l'objet d'un relevé 3D.
"Quelle que soit l'hypothèse décidée par l'Etat, il faudra qu'ils invitent la ville à se mettre autour de la table", revendique Jean-Marc Coppola, adjoint au maire de Marseille chargé de la culture. "On ne peut pas demander que la parole soit tenue pour la vente des sous-marins en Australie et que la parole et l'engagement pris par l'ancienne ministre de la Culture soient bafoués", ironise l'élu.