La ville de Paris a annoncé fin août qu'elle prolongeait jusqu'en juin 2021 l'extension des terrasses des bars et restaurants sur l'espace public, "une aide précieuse" selon les professionnels de ce secteur durement frappé par la crise du coronavirus et le confinement du printemps.
Face au regain de l'épidémie, le gouvernement a appelé vendredi à la "responsabilité de chacun" sans recourir à des restrictions d'horaires ou fermetures de certains établissements comme appliquées dans des pays voisins.
Techniquement, les gérants des près de 8.000 établissements parisiens qui bénéficient de cette mesure doivent s'assurer de respecter une charte prévoyant la fermeture des extensions à 22H00 et la limitation des nuisances sonores.
Pourtant, "ça se passe mal", estime Gérard Simonet, le président de Vivre-le-Marais, une association d'habitants du centre de Paris, dénonçant "des nuisances sonores qui s'étendent bien au-delà de 22H00".
"On a la sensation de n'avoir aucun recours, ça créé du désespoir", renchérit Yussef Tahiri, membre du Collectif Jean-Pierre Thimbaud, une rue du 11ème dans un quartier particulièrement festif, regrettant un manque "de cadre".
Lui et d'autres membres du collectif ont l'intention de déposer un nouveau recours après avoir été déboutés au printemps devant le tribunal administratif qui a retenu "le caractère provisoire de la mesure".
"#balancetonbar"
Cette grogne trouve échos sur les réseaux sociaux, comme le compte twitter du Collectif nuisances sonores qui recensent les cas de non-respect des règles sous les hashtag #balancetonbar et #nuisancessonores et qui comptent tous les deux des centaines d'occurrences sur Twitter.
Amélie Terrien, fondatrice du collectif, a lancé en début de semaine une "grande enquête sur les nuisances sonores à Paris" qui a obtenu plus de 900 réponses en quatre jours. "Au niveau du collectif, on est passé d'une dizaine de personnes à plus d'une centaine depuis la fin du confinement", assure-t-elle.
"Mes enfants ne s'endorment pas avant 23H00", s'insurge une maman dans le 4ème arrondissement. "Je suis réveillée 3-4 fois par nuit du mercredi au dimanche", décrit une habitante du 2ème. "Je me suis habitué à être épuisé constamment", raconte un étudiant du 11ème.
Tous ces parisiens dénoncent "un enfer", "un calvaire", mais ne souhaitent pas être cités nommément car "il y a des représailles de la part des restaurateurs", affirme l'une des riveraines à l'AFP, évoquant des "intimidations".
Au-delà du bruit, les terrasses étendues posent aussi des problèmes de circulation, dénonce Yussef Tahiri. Dans la rue Oberkampf, "75% des places de livraison sont occupées par des terrasses. Comment font les commerçants pour se faire livrer ?", déplore-t-il.
Pour beaucoup de riverains interrogés, il s'agit d'un "pas de plus vers la mono-activité bistrotière à Paris", selon la formule de Patrick Broders, habitant le 4ème arrondissement.
Ces riverains dénoncent aussi le manque de sanctions et, comme le collectif Droit au Sommeil Paris, des contraventions "pas assez dissuasives".
Nicolas Nordman, adjoint à la maire de Paris chargé de la prévention et de la sécurité, rappelle lui que les "amendes sont passées de 135 euros à 500 euros".
Les agents de la Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) effectuent "300 opérations par jour pour vérifier l'application de la charte" et "2.000 procès verbaux" ont été dressés durant l'été pour "non-respect des règles", souligne-t-il.
Le secteur reconnaît que les terrasses éphémères peuvent créer "quelques tensions", comme l'admet auprès de l'AFP Franck Trouet, porte-parole du Groupement National des Indépendants, organisation professionnelle qui représente les cafés et restaurants.
Franck Delvau, président de l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie - Ile de France (UMIH IDF), appelle d'ailleurs à "sanctionner" ceux qui ne respectent pas la charte, "parce qu'ils mettent en danger toute la profession".
Mais, relève Frank Trouet, les terrasses "sont aussi pour nos concitoyens un rayon de soleil qui fait du bien au moral dans cette période difficile".