Deuxième trimestre 2018. Portée par l'Allemagne, la croissance des 19 pays de la zone euro atteint 0,4%, malgré les incertitudes sur le commerce international. Celle de la France? 0,2% seulement, pour le deuxième trimestre consécutif.
Troisième trimestre 2018: voilà la croissance de la zone euro qui ralentit, à 0,2% en moyenne, plombée par un volume d'exportation décevant. Celle de la France, à l'inverse, se met à rebondir, pour atteindre les 0,4% abandonnés par ses partenaires.
Une bizarrerie? "Cet effet de miroir est atypique" mais cette évolution "s'explique par des facteurs clairement identifiés", assure à l'AFP Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management.
"Il n'y a pas de hasard", abonde Alexandre Mirlicourtois, économiste chez Xerfi, qui évoque une série de causes "ponctuelles" et "spécifiques" ayant conduit l'économie française à "décrocher" en début d'année, puis à "rattraper son retard".
Parmi elles: les grèves dans les transports, notamment à la SNCF, qui ont pénalisé la consommation au deuxième trimestre, mais aussi le calendrier fiscal du gouvernement, qui a poussé de nombreux contribuables à décaler leurs achats.
"Il y a eu une forte hausse d'impôts en début d'année", avec l'augmentation de la CSG mais aussi des taxes sur le tabac, rappelle Eric Heyer, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Les baisses d'impôts, via la suppression des cotisations salariales et la diminution de la taxe d'habitation pour 80% des ménages, ne sont intervenues pour leur part "qu'en fin d'année", libérant tardivement la consommation.
Selon l'Insee, cette dernière s'est ainsi contractée de 0,1% au printemps, avant de regagner 0,5% durant l'été. Et le rebond devrait être plus marqué encore au quatrième trimestre (+1,7%), une fois les baisses d'impôt pleinement intégrées par les contribuables.
Plus linéaire
Si la progression à contre-courant de l'économie française s'explique par des motifs exceptionnels, il n'est pas rare néanmoins de la voir évoluer différemment de celle de ses voisins. "Il y a souvent des décalages" ou "des différences de rythme", reconnaît Alexandre Mirlicourtois.
Entre 2008 et 2011, après la crise des "subprime", la France avait ainsi été parmi les rares pays d'Europe à résister à la dégringolade. "L'économie française était alors plus performante que celle des autres pays européens, notamment l'économie allemande", rappelle Eric Heyer.
A partir de 2013, la France s'est mise en revanche à perdre du terrain par rapport au reste de la zone euro, et notamment par rapport à l'Allemagne. Un décrochage d'ampleur, qui s'est poursuivi jusqu'à ces derniers mois.
"Cela s'explique par la politique du gouvernement Ayrault, qui a voulu créer un +choc d'offre+ (politique favorable aux entreprises, ndlr), financé par une hausse de la fiscalité sur les ménages. Cela a eu pour effet immédiat de contracter le pouvoir d'achat", juge Eric Heyer.
Ce décalage s'explique aussi par des facteurs plus structurels, liés au modèle économique hexagonal. La France dispose en effet d'importants "stabilisateurs automatiques" -- c'est-à-dire d'un dispositif étoffé de protection sociale.
Cela permet d'amortir les effets des crises économiques, en protégeant par exemple les travailleurs contre le chômage. Mais elle a aussi un coût, notamment pour les entreprises, ce qui rend l'économie moins réactive quand l'activité repart.
"Le PIB de la France suit bien les cycles de l'ensemble des autres pays de la zone euro, mais avec une moindre amplitude. Les expansions y sont moins fortes, mais les récessions y sont aussi moins sévères", souligne Eric Dor.
"La France descend moins bas et monte moins haut", confirme Alexandre Mirlicourtois. "Du coup, sa croissance est plus linéaire, notamment si on la compare à celle des Etats-Unis, qui est plus sensible aux aléas mais aussi plus dynamique".
Ce modèle est-il plus désirable pour autant? "Tout dépend de ce que l'on cherche", à savoir une "croissance globalement plus forte" ou bien "avec moins de soubresauts", observe Alexandre Mirlicourtois, qui évoque un "débat de nature politique et idéologique".