En Californie, les "trailers", jadis symboles hippies d'une vie libre ou aujourd'hui des nouveaux nomades numériques, témoignent aussi d'un phénomène de société bien moins glamour: une crise du logement.
L'un des Etats américains avec les revenus par habitant les plus élevés, la Californie, est aussi celui qui dénombre le plus de sans-abris. Le tiers des sans-abris du pays vivent dans cet Etat qui compte 11% de la population américaine.
Et avec la crise du logement, beaucoup ont désormais pour seul toit des caravanes, des camping-cars, des vans, des mobil-homes, installés dans des campings parfois improvisés de Los Angeles, où les autorités dénombrent environ 75.000 sans-abris, et des villes aux alentours.
Loyer à près de 3.000 dollars
"C'est la seule chose que je peux me payer", explique Beau Beard en montrant sa caravane garée dans une étroite allée à quelques encablures du brouhaha de la très touristique Venice Beach.
Pour lui, la Californie était synonyme de nouveau départ après un séjour de 42 mois en prison. Mais il a vite déchanté.
"Ici, c'est le prix au m2 le plus cher du marché immobilier" aux Etats-Unis, déplore cet homme de 57 ans. En juin, le loyer moyen atteignait 2.950 dollars (2.650 euros) par mois à Los Angeles.
En 2021, sept millions d'Américains dépensaient plus de la moitié de leurs revenus pour se loger, soit une hausse de 25% par rapport à 2007, selon une étude réalisée par l'Alliance nationale contre le sans-abrisme, une ONG.
Quand sa fiancée lui a annoncé qu'ils attendaient un enfant, en 2020, Beau a acheté une caravane pour mettre sa petite famille à l'abri.
Mais les services de protection de l'enfance n'ont pas apprécié. Et leur ont retiré la garde de leur fille peu après la naissance, estimant que leur logement n'était pas adapté. Elle aura trois ans le 29 juillet.
"On est coincés. On ne sait pas quoi faire", dit-il, installé sous le porche de sa caravane bleue qui ne le prive pas seulement de sa fille, mais aussi de toute aide pour trouver un logement subventionné.
Nous sommes "dans une zone grise (...) et cela nous place en bas de la liste pour les demandes de logement", se plaint-il.
"Parias"
Sa caravane n'est pas seule sur le boulevard Jefferson, qui longe la réserve écologique de Ballona.
Cà et là des installations artistiques, des petits jardins, des chaises, des tables bordent les caravanes, signe que certains habitants se sont sédentarisés.
Mais la vie est compliquée estime Tamara Hernández, une maquilleuse qui a quitté son appartement de Venice quand le loyer a explosé. En dix ans, le loyer de son studio est passé de 450 à 3.000 dollars.
Maintenant, "pour me laver, il faut attendre une heure pour chauffer l'eau (...) C'est vraiment dur ici", dit-elle. Et aux difficultés du quotidien s'ajoute le sentiment d'être des parias. "Je ne sais pas pourquoi les gens nous détestent. On est des gens bien".
"Impossible"
Steven, qui préfère ne pas donner son nom de famille, est employé dans un supermarché.
Il vit ici avec son épouse depuis deux ans. Avec leurs deux salaires, ils ne pouvaient pas se payer plus qu'un van, qu'ils ont acheté usagé à 6.000 dollars.
"C'est mieux que de vivre dans des zones infestées par les drogues et les gangs", explique-t-il avant d'ajouter que pour assumer les frais courants et un loyer dans un quartier de classe moyenne, il devrait avoir trois emplois en même temps.
Avec la hausse des prix, de 6,5% en 2022 aux Etats-Unis, le nombre de sans domicile fixe a augmenté à Los Angeles et dans d'autres villes des Etats-Unis.
Mais à Los Angeles, le contraste est saisissant entre les palaces de Hollywood et les sans-abris qui dorment sur le fameux "Walk of Fame", célèbre avenue où les stars laissent leurs empreintes.
Steven, lui, rêve d'autres horizons.
"J'économise pour acheter un terrain, dans l'Arkansas, ou le Missouri (…) je veux construire un bassin pour des poissons et avoir un potager. Tu comprends ? Mais en Californie, cela ne risque pas d'arriver, c'est impossible".