Dans une série d'articles diffusés depuis mardi 18 janvier, le quotidien L'Équipe a révélé des éléments de l'enquête ouverte en 2017, dont le contenu d'un rapport de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) remis au parquet en juillet.
En 76 pages, les policiers y détaillent les conditions d'attribution au groupe Altrad du sponsoring du maillot du XV de France, le contrat d'image signé entre les deux hommes et les appels de Bernard Laporte à Jean-Daniel Simonet, le président de la commission d'appel de la Fédération française de rugby (FFR).
Ce rapport est "une construction intellectuelle essentiellement à charge", contredite par les éléments du dossier judiciaire, s'agace Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, l'avocat de Bernard Laporte, à la tête de la FFR depuis 2016.
D'autres avocats de la défense ont également dénoncé un rapport "très à charge" et souligné que le PNF n'aurait pas suivi les enquêteurs sur l'intégralité des accusations.
Dans une note datée du 21 décembre citée par ces conseils, le parquet anticorruption a détaillé les infractions qu'il entendait retenir parmi celles visées par l'enquête (favoritisme, prise illégale d'intérêt, trafic d'influence, corruption...) et les personnes qui pourraient être citées devant le tribunal correctionnel.
Le PNF s'orienterait vers des poursuites pour Bernard Laporte, Mohed Altrad et Claude Atcher, directeur général du comité d'organisation du Mondial 2023, ont indiqué à l'AFP des sources proches du dossier, confirmant les informations de L'Équipe.
"Infractions hypothétiques"
Cette note "ne reprend pas à son compte toutes les hypothétiques infractions pénales énumérées par les policiers", a prévenu M. Laporte dans l'un de ses trois droits de réponse au quotidien.
Selon plusieurs conseils, les échanges entre le parquet et les avocats se poursuivent, ces derniers ayant la possibilité d'adresser aux magistrats financiers des éléments pour étayer leur défense.
"Aucune citation directe n'a été délivrée dans ce dossier à ce jour", a confirmé à l'AFP le PNF.
Une décision devrait être prise dans les prochaines semaines et un procès pourrait se tenir d'ici à la fin de l'année, selon les avocats.
Le PNF avait ouvert une enquête préliminaire en 2017 pour examiner entre autres les liens entre Bernard Laporte et Mohed Altrad, à la tête du groupe de BTP Altrad et du club Montpellier Hérault Rugby (MHR).
La justice soupçonne l'ancien sélectionneur des Bleus (2000-2007) d'avoir usé de son influence pour que l'entreprise de Mohed Altrad, un ami proche et grand argentier du rugby, devienne le sponsor maillot du XV de France à un prix préférentiel.
Dans leur rapport cité par L'Équipe, les policiers évoquent ce contrat accordé en 2018 pour 6,8 millions d'euros.
Une première estimation avait évalué le sponsor à 9,9 millions d'euros, selon le quotidien sportif.
Cette attribution "est exempte de tout reproche", s'est défendu M. Laporte dans un droit de réponse au quotidien: "il n'y a eu ni remise ni cadeau au bénéfice du groupe Altrad".
"Du mécénat !"
"Comment peut-on reprocher à Mohed Altrad de faire une affaire ? Qu'a-t-il obtenu en contrepartie ? Son nom sur un maillot ? Vous mettez 6,8 millions pour avoir votre nom sur le maillot ? C'est du mécénat !", a rétorqué Me Versini-Campinchi.
"La proposition à neuf millions n'a été acceptée par personne. Tous les sponsors importants et toutes les agences de communication ont été interrogés et tous ont dit que 6,8 millions d'euros, c'est un prix exceptionnel !", a-t-il développé.
Mohed Altrad a rejeté les accusations mercredi 19 janvier sur Sud Radio. Contacté par l'AFP, son avocat n'a pas souhaité s'exprimer.
Les enquêteurs soupçonnaient aussi Bernard Laporte d'être intervenu auprès du président Simonet pour faire diminuer des sanctions contre Montpellier, le club de M. Altrad, sur la base de nombreux appels entre les deux hommes fin juin 2017.
Pendant quatre ans, "on a passé au scanner Bernard Laporte et son entourage. Le supposé coup de téléphone à M. Simonet est passé aujourd'hui au deuxième plan, il n'est même plus question qu'il fasse l'objet de poursuites", croit savoir Me Versini-Campinchi.
Bernard Laporte, ancien secrétaire d'État chargé des Sports de Nicolas Sarkozy (2007-2009), avait été placé en garde à vue en septembre 2020, quelques jours avant sa réélection à la tête de la FFR.
Mohed Altrad, Claude Atcher et deux hauts responsables de la Fédération, son vice-président Serge Simon et son responsable des relations internationales Nicolas Hourquet, avaient aussi été entendus.