"L'idée était d'embellir la ville par tous les moyens", argue l'instigateur de cette politique culturelle, François de Mazières, maire de Versailles depuis douze ans et passionné d'art. L'ancien président de la Cité de l'architecture et du patrimoine plaide pour l'art urbain, "le plus démocratique qui soit (...) qui se donne gratuitement à voir à tout le monde".
L'élu espère notamment démontrer aux quelque 10 millions de visiteurs annuels du château de Versailles que la ville ne se résume pas à l'imposante bâtisse du XVIIe siècle.
Ainsi, près de l'église où a été baptisé Louis XIV, des coulures noires esquissent des silhouettes sur les passages cloutés, clin d'oeil de l'artiste Emmanuel Braudeau à Jackson Pollock.
Plus loin, des illustrations des Fables de la Fontaine égayent des armoires électriques, des trompe-l'oeil de magasins d'époque habillent les murs nus du centre-ville, une dizaine d'immenses fresques peintes par des artistes internationaux annoncent l'un des plus grands quartiers HLM de la ville, Bernard de Jussieu.
Et au coin de certains immeubles ont fleuri d'ironiques châteaux, têtes couronnées voire... guillotinées, oeuvres à l'esthétique de jeu vidéo rétro du célèbre artiste Invader.
D'abord "étonné" puis "réticent", François de Mazières salue finalement le travail facétieux du mosaïste, même s'il avertit: "La beauté de cette ville vient aussi du fait que depuis des siècles, il y a des règles qui s'appliquent".
"Trop coloré"
Une réglementation drastique dont le maire fait lui-même les frais et qui rend toute intervention sur cet "univers protégé (...) dérogatoire". "De temps en temps, les Architectes de France me disent non", s'amuse-t-il.
"Au départ, on m'a dit que mes oeuvres étaient un peu trop colorées pour la rue du Vieux Versailles", renchérit Cyklop, qui a peint 25 poteaux représentant des personnages historiques revisités en Lego, de Louise Michel à Madame de Maintenon en passant par Louis XV.
Mais le maire ayant adhéré à leur esthétique pop, les potelets se sont taillé une place de choix dans la ville, à la grande joie des habitants, qui les trouvent "sympas", "rigolos" et "funs pour une ville ancienne comme Versailles".
"A chaque fois qu'on fait quelque chose, on prend un risque", estime celui qui s'est déjà attiré les foudres de l'opposition, notamment en raison de la commande d'une oeuvre de 200.000 euros, un banc long de 90 mètres au sein du jardin des étangs Gobert.
Mais d'un point de vue budgétaire, le maire se défend de toute démesure.
Versailles est "une ville pauvre de gens riches", estime-t-il. Sur 2.600 hectares, 800 sont occupés par le château qui ne rapporte rien à la Ville, 450 par le ministère des Armées avec 2.500 logements de militaires et 350 à l'Office national des forêts.
La surface dédiée aux activités économiques "est historiquement faible" dans la ville royale. C'est pourquoi les trompe-l'oeil sont réalisés par les étudiants des deux écoles d'art de Versailles, souvent dans le cadre de leur scolarité.
De même, le coût des fresques du quartier HLM sont intégrés au budget de rénovation thermique des immeubles. "L'idée est que le fait d'investir artistiquement n'ait pas davantage d'impact économique", explique Mimouna Khaldi de Quai 36, qui représente les artistes muralistes étant intervenus dans le quartier Bernard de Jussieu.
De la cité HLM au centre-ville historique, François de Mazières vante la diversité de quartiers de Versailles qui demeure "une ville incubatrice de la création artistique, y compris au XXIe siècle".