Selon un rapport mandaté par la mairie, "71% des logements privés du centre ancien sont des passoires énergétiques qui ne pourront plus être loués d'ici janvier 2034" en l'état actuel, en application de la loi climat. Environ 21.000 personnes y habitent, dont seulement 14% de propriétaires occupants.
Et les dates d'interdiction de location se rapprochent: les bâtiments affichant un Diagnostic de performance énergétique (DPE) classé G seront concernés en 2025, F en 2028 et E en 2034.
"En copropriété, il faut au minimum trois ans pour que des travaux importants soient muris et votés. On est déjà sur des limites par rapport aux logements classés F", s'alarme Céline Rault, qui travaille au sein d'un syndicat de copropriété.
Dans la capitale bretonne, où les façades XVIIIe ou à pans de bois médiévales font le bonheur des touristes, le défi est immense. En 2008, après des effondrements partiels et des incendies, la municipalité avait commandé un audit. Sa révélation avait constitué un "choc" selon l'actuelle maire Nathalie Appéré (PS): sur les 1.600 immeubles du centre historique, 660 étaient dégradés...
Ainsi depuis 2011 et le lancement de l'opération "Rennes Centre ancien", ce sont près de 250 immeubles qui ont été réhabilités. Et, plus récemment, à cette problématique de structure s'est rajoutée la question de l'amélioration énergétique.
"Quand la loi climat a été promulguée en 2021, on s'est retrouvé face à des échéances très courtes", relève Mélanie Barchino, cheffe de projet à Territoires publics qui pilote l'opération. Avec plusieurs écueils à surmonter.
"Aberration"
"On a des bâtiments protégés patrimonialement et on ne peut pas utiliser n'importe quel matériau. Sur l'isolation: si on met des matériaux étanches sur les bâtis en bois, la structure va pourrir et on va retrouver des désordres dans dix ou quinze ans", prévient-elle.
Elle s'interroge également sur la réalisation des DPE dans l'ancien et le peu de professionnels spécialisés dans l'amélioration énergétique pour ce type d'habitation.
Et dans le cas d'un studio sous les combles classé F, les travaux collectifs sont souvent la seule issue afin d'améliorer le DPE, avec notamment l'isolation de la toiture. Mais comme les décisions sont prises en assemblée générale, il peut arriver que des propriétaires occupants, qui ont des DPE bien classés dans le même bâtiment, s'y opposent, n'ayant eux aucun intérêt à réaliser ces travaux. Et tant pis si le studio devient inlouable et se
transforme en grenier...
Plus largement, "on constate qu'il y a des propriétaires qui ne veulent pas rentrer dans la dynamique de faire des travaux. Ou qui disent qu'ils vont vendre", constate Vanessa Louesdon, d'un syndic de copropriété.
Selon un négociateur immobilier au sein d'une étude notariale, qui a requis l'anonymat, "il y a une aberration dans les calculs par rapport à ce qu'est un logement énergivore aujourd'hui. La classe E regroupe des logements tout à fait corrects. On va obliger des gens à faire de travaux pas cohérents en terme de gain énergétique, avec des sommes en jeu très importantes de plusieurs dizaines de milliers d'euros".
Reste que chez les étudiants, qui sont 72.000 dans la métropole et qui habitent en nombre dans le centre classé, cette obligation de travaux, même si elle risque encore de raréfier une offre de logements déjà insuffisante, est néanmoins nécessaire.
"Je ne chauffe pas mon studio classé F. Pendant une tempête, j'avais la fenêtre fermée et ça gouttait", explique Theo, 19 ans, qui paye 500 euros de loyer et 40 euros de facture d'électricité place Sainte-Anne, coeur de la vie étudiante.
"Quand on est dans un logement mal isolé, on ne vit pas très bien. Et évidemment pour la question climatique, il est fondamental de lutter contre ces passoires thermiques", plaide Nathan Guillemot, membre de la direction de l'Union Pirate rennaise.