Au matin du 12 janvier 2019, une très forte détonation provoquée par une fuite de gaz avait soufflé cette rue du IXe arrondissement de la capitale. Le bilan est lourd : quatre personnes, dont deux pompiers, sont tuées, 66 autres sont blessées et quelque 400 riverains sinistrés.
Les magistrats du pôle "accidents collectifs" du tribunal judiciaire de Paris ont adressé le 13 décembre un courrier à l'ensemble des parties pour leur signifier que leur enquête était close, selon un document consulté par l'AFP.
Cette décision provoque "une incompréhension" pour Virginie Mallet, sinistrée et secrétaire générale de l'association Trévise ensemble.
En principe, le parquet est maintenant tenu de rendre son réquisitoire définitif dans les trois mois, avant une décision définitive des magistrats instructeurs sur la tenue ou non d'un procès.
Au cours de l'enquête, la mairie de Paris et le syndic de copropriété de l'immeuble ont été mis en examen pour "homicides et blessures involontaires" et "destruction, dégradation ou détérioration par l'effet d'une explosion ou d'un incendie".
Les juges ont appuyé leur décision sur les conclusions d'un collège de quatre experts, mandatés pour déterminer les causes du sinistre et les éventuelles fautes commises.
Dans un premier rapport, remis en décembre 2019, ces experts avaient conclu qu'un affaissement du sol, sous le trottoir, devant le porche de l'immeuble situé 6 rue de Trévise, avait provoqué la rupture d'une canalisation de gaz, entraînant une accumulation de gaz naturel à l'origine de l'explosion.
Ils avaient relevé des "manquements" du service de voirie de la Ville, notamment dans la réfection du trottoir, sans incriminer GRDF.
Dans leur rapport définitif rendu en mai 2020, les experts avaient de nouveau pointé un "défaut de vigilance" de la Ville de Paris et mis également en cause le syndic de copropriété de l'immeuble qui aurait tardé à réparer la fuite d'un collecteur d'eaux usées qui aurait eu une incidence sur l'affaissement du sol.
Contre-expertise demandée
L'entreprise de BTP Fayolle, chargée en novembre 2016 d'effectuer des travaux sur le trottoir, est aussi pointée du doigt par les experts. Elle a toutefois été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté, moins incriminant que celui de mis en examen, tandis que GDRF a échappé aux poursuites.
La Ville de Paris a saisi la cour d'appel de Paris après le refus des juges d'ordonner une contre-expertise. L'audience est prévue le 26 janvier.
"Il ne paraît pas opportun de clôturer l'instruction sans que la cour d'appel ait statué sur la demande de contre-expertise. C'est incompréhensible", considère Me Sabrina Goldman, avocate de la Ville.
"Dans une affaire de cette ampleur et de cette complexité, c'est le minimum qu'on puisse avoir un avis différent et ce d'autant qu'on a démontré que les experts" mandatés dans la procédure pénale "se sont trompés", ajoute Me Goldman.
L'avocate s'appuie sur une expertise ordonnée dans la procédure civile, menée parallèlement pour évaluer le préjudice des sinistrés, qui a elle conclu que l'état de la canalisation pouvait être en cause.
Une contre-expertise, "qui n'empêche ni les travaux rue de Trévise ni l'indemnisation qui est très bien avancée avec l'accord-cadre", serait selon Sabrina Goldman "déterminante" et ne prendrait que "quelques mois".
"Pourquoi les experts ne travaillent pas ensemble? Ça irait plus vite et ce serait plus efficace", s'interroge pour sa part Virginie Mallet, dont l'appartement au numéro 6 a été soufflé.
L'explosion a été causée par le gaz "mais GRDF est le grand absent des procédures au civil et au pénal", s'étonne Mme Mallet. "On sait que le gaz est une bombe, on l'a vu à nos dépens, et pourtant c'est comme si c'était autre chose".
La Ville de Paris a annoncé en octobre qu'elle abonderait de 20 millions d'euros le fonds d'indemnisation "sans que cela présume de sa culpabilité". Les premières indemnisations pourront intervenir une fois l'accord-cadre signé.