"Il faut faire une action symbolique contre un agent immobilier", a expliqué à l'AFP David Rodrigues, juriste auprès de l'association de consommateurs CLCV.
Celle-ci a annoncé mardi le dépôt d'une plainte contre Century 21, l'un des principaux réseaux d'agences en France. Elle l'accuse de diffuser à Paris des annonces ne respectant pas le plafonnement des loyers.
Cette mesure est en vigueur depuis 2015 dans la capitale, seule ville française avec Lille à l'appliquer. Même si Paris, contraint par la justice, a dû s'interrompre plus d'un an autour de 2018, la mairie a pu relancer ensuite le plafonnement.
Celui-ci interdit aux propriétaires de demander aux locataires un montant supérieur à une somme donnée, celle-ci variant selon les quartiers en fonction de l'état du marché.
CLCV accuse Century 21 de relayer des annonces qui demandent un loyer trop élevé et, donc, de "pratique commerciale trompeuse" envers les potentiels locataires.
C'est la première action en justice sur le sujet contre un groupe immobilier. Des contentieux individuels opposent déjà des locataires à leurs propriétaires, mais ils restent très rares.
"On a toujours constaté une grande réticence, une autocensure des locataires dans ce domaine", a rapporté M. Rodrigues.
L'association, qui estime à l'occasion d'un bilan annuel que près de la moitié des annonces parisiennes sont dans l'illégalité, a donc fait le choix de frapper plus fort en s'attaquant à un grand groupe même si celui-ci ne sert que d'intermédiaire.
Century 21 "est l'un des plus grands acteurs sur la place du marché (avec) de mauvais résultats par rapport à leurs confrères en ce domaine", a rapporté M. Rodrigues, jugeant par exemple le groupe Foncia bien plus sérieux.
Filiale du géant immobilier Nexity, Century 21 a répondu en jugeant que CLCV n'avait apporté aucune preuve que ses annonces enfreignaient la loi.
Le réseau rappelle que celle-ci prévoit des exceptions au coup par coup, si le logement dispose d'avantages comme une localisation exceptionnelle, et assure que c'était le cas des annonces concernées.
Le réseau "est confiant sur le fait que la procédure en cours démontrera la parfaite conformité des annonces à la législation", dit-il dans un communiqué.
Effets incertains
Ce contentieux, qui n'a pas encore de date d'audience prévue, témoigne d'un contexte où les débats s'animent à nouveau sur le plafonnement des loyers.
Le dispositif, qui s'ajoute à des règles d'encadrement déjà en place dans toutes les grandes villes françaises pour limiter la hausse des loyers, suscite depuis des années d'importants clivages politiques.
Le plafonnement a toujours été contesté par les associations de propriétaires et nombre d'agents immobiliers. Il est vivement défendu par les associations de locataires, comme CLCV, et des mairies, généralement de gauche, comme celle de Paris.
A ce titre, celle-ci vient d'annoncer qu'elle allait renforcer les contrôles, le nombre d'amendes restant de fait très faible.
"L'encadrement des loyers commence globalement à produire ses effets mais il y a encore trop d'abus notamment sur les petites surfaces", affirmait mi-janvier à l'AFP Ian Brossat, adjoint communiste au logement à Paris.
Parallèlement, la capitale et Lille vont être rejointes par d'autres grandes villes françaises, pour l'essentiel gagnées ou conservées par la gauche lors des dernières municipales.
Bordeaux, Lyon, Grenoble et Montpellier se sont manifestées auprès de l'Etat qui a donné pour plusieurs années cette possibilité aux grandes agglomérations françaises, avant d'en évaluer les résultats à la fin de cette période.
Cependant, le plafonnement n'agit pas seulement sur les prix eux-mêmes, il peut théoriquement limiter l'offre de logements en décourageant les propriétaires de louer.
A Paris, ce sont les bilans de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap) qui font référence.
Pour l'heure, ils estiment que le plafonnement a contribué à ralentir la hausse persistante des loyers mais n'excluent pas qu'il ait aussi joué un rôle dans le manque de logements disponibles.