Guillaume Kasbarian, un libéral pur sucre
Le député de 36 ans au style bonhomme a fait toutes ses armes politiques à l'Assemblée nationale, où il avait été propulsé en 2017 par la vague de marcheurs estampillés "société civile".
Réélu en 2022, il s'est imposé comme l'une des valeurs montantes du vivier parlementaire du camp présidentiel. Et son nom avait déjà circulé en coulisses parmi les "ministrables" pressentis lors du remaniement de juillet 2023.
Avec le logement, un secteur en crise, il hérite d'un des dossiers chauds des prochains mois, souvent qualifié de "bombe sociale".
Au sein de la majorité, l'élu d'Eure-et-Loir a fait partie récemment des députés qui ont plaidé pour rogner les avantages fiscaux des locations de courte durée du type "Airbnb".
Sa proposition de loi "anti-squat", adoptée mi-juin par le Parlement, lui avait valu une première exposition médiatique. Et aussi un feu nourri de critiques venant de la gauche et des associations dénonçant une "criminalisation de tous les mal-logés".
Le mettre au Logement "serait une grave erreur, le DAL (l'association Droit au logement, NDLR) ne peut pas le supporter", glissait récemment l'un de ses collègues députés.
Mais "sur le terrain, des gens l'arrêtaient dans la rue pour le féliciter" pour sa loi, assure un collaborateur du député, qui martèle ses convictions libérales, sur le plan économique "et aussi sociétal". Tout comme son aversion "aux taxes en tous genres".
Guillaume Kasbarian aime à rappeler que c'est le discours "ni de droite, ni de gauche" et la personnalité du chef de l'Etat, qui l'ont attiré vers la politique.
"Macron, je suis toujours membre du fan-club, et s'il n'en reste qu'un à la fin, ce sera moi", lançait-il en souriant devant des journalistes l'été dernier.
Il est consultant dans un cabinet de conseil quand il se lance en 2016 dans le mouvement naissant "En Marche", fondé par Emmanuel Macron alors ministre de l'Economie.
Il en devient un responsable dans son département d'Eure-et-Loir. Puis de fil en aiguille, dans la foulée de l'élection présidentielle de 2017, il se porte candidat aux législatives dans la première circonscription de Chartres.
Le trentenaire va ainsi surfer sur la vague de jeunes élus macronistes issus de la société civile, qui débarquent au Palais Bourbon sans bagage politique, mais avec l'ambition affichée d'y apporter leur expérience du secteur privé.
"Côté cash"
A l'Assemblée, il se spécialise notamment dans les questions économiques et industrielles.
Ce qui lui vaut de monter en grade après sa réélection en 2022 en prenant la tête de la commission des Affaires économiques, où il "négocie avec tout le monde, sauf LFI et le RN".
Très actif lors des concertations autour du projet de loi sur "l'industrie verte", il a été le rapporteur général de la commission spéciale sur ce texte.
Adepte du "côté cash" du chef de l'Etat, y compris de ses petites phrases décriées sur la rue à traverser pour trouver un emploi ou le "pognon de dingue" des aides sociales, Kasbarian se veut lui-même pratiquant du franc parler.
Comme quand il fustige sur X le "petit microcosme bibéronné aux aides publiques" après le discours offensif de Justine Triet, la lauréate de la Palme d'or de l'édition 2023 du Festival de Cannes. Ou, toujours sur le réseau social, quand il raille l'inspiration "marxiste" du programme économique de Marine Le Pen.
Né à Marseille dans une famille d'origine arménienne, diplômé de l'Essec après avoir vécu un temps au Kenya, Guillaume Kasbarian, souvent coiffé d'un béret made in France, habite dans une chaumière d'un petit village d'Eure-et-Loir.
Il y rentre dès que possible, selon son entourage, pour rejoindre ses deux chats noirs "Winston" et "Churchill".
L'arrivée de Kasbarian au Logement ulcère gauche et associations, et suscite beaucoup d'attentes de la droite
L'arrivée au ministère du Logement de Guillaume Kasbarian, porteur d'une loi anti-squats, a déclenché une vague d'indignation à gauche et d'inquiétude dans les milieux du logement social et des associations de solidarité.
L'élu d'Eure-et-Loir, nommé jeudi après un mois sans ministre spécifiquement chargé du Logement, a la lourde tâche d'affronter une crise historique, avec une production en berne, un allongement sans fin du nombre de ménages en attente d'un HLM, ou une saturation des structures d'hébergement d'urgence.
Sa nomination au ministère du Logement, après deux anciens socialistes - Patrice Vergriete et Olivier Klein - marque un net coup de barre à droite, lui dont le principal fait d'armes en matière de logement est d'avoir fait adopter, en 2023, une loi durcissant les peines contre les squatteurs.
Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a ainsi confié à l'AFP "espérer que le nouveau ministre délégué au Logement sera plus attentif aux souffrances des mal logés et aux difficultés que connaissent nos concitoyens en matière de mal-logement qu'il ne l'a été au moment où il a porté une loi qui a fait beaucoup de dégâts".
Pour la Gauche et les associations, c'est une "provocation"
Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement, première association de locataires HLM et proche du Parti communiste, a lui estimé sur franceinfo que son arrivée était "une véritable gifle à tout le secteur du logement" et une "déclaration de guerre aux locataires".
"Une provocation", ont jugé de concert plusieurs élus de gauche.
"Nommer celui dont le seul fait d'armes est d'avoir facilité les expulsions est un crachat aux visages des 4 millions de personnes mal logées et 330.000 personnes sans-abris", a ainsi dénoncé sur X la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
"Guillaume Kasbarian est l'auteur de la loi la plus répressive sur les expulsions depuis des décennies", a lancé sur le même réseau le communiste Jacques Baudrier, adjoint au Logement à la mairie de Paris, tandis que le chef des sénateurs écologistes Guillaume Gontard moquait l'arrivée d'un "ministre du délogement".
Pour la Droite et les organisations patronales, beaucoup d'attentes pour ce nouveau ministre
Du côté des organisations patronales, le président de la Fédération nationale de l'immobilier, Loïc Cantin, juge que Guillaume Kasbarian "a montré une volonté, une action et un investissement forts lorsqu'il a travaillé sur la loi anti-squats. Mais ce n'est pas ça qui fait un ministre du logement. Son action en tant que ministre du logement dépendra totalement de la feuille de route qu'il aura et de sa capacité d'écoute des professionnels".
Or, "on ne peut pas se satisfaire", dit-il, de l'objectif de 30.000 nouveaux logements dans 20 territoires prédéfinis mentionné par le Premier ministre Gabriel Attal lors de son discours de politique générale.
Le nombre de permis de construire délivrés en 2023 a chuté de 23,7% à 373.100, alors que selon plusieurs fédérations professionnelles, il en faudrait plutôt autour de 500.000 par an pour résorber les besoins.
Gabriel Attal avait aussi suscité des craintes des défenseurs du logement social, en suggérant d'assouplir la loi SRU qui oblige les communes à respecter des quotas de logements sociaux.
"Je l'appelle clairement à renoncer à réformer la loi SRU qui serait une catastrophe pour l'égalité républicaine", a déclaré à l'AFP Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, confédération des bailleurs sociaux.
"Ce que j'attends, c'est de savoir comment notre ministre va nous aider à faire face à la crise du logement et à produire plus de logements sociaux", a-t-elle ajouté.
[1] Enquête réalisée par VIAVOICE auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 1.005 personnes de plus de 18 ans. Interviews réalisées du 5 au 8 janvier 2024.
Pour l'Alliance pour le logement, "il faut un plan d’action immédiat!"
Les partenaires de L’Alliance pour le logement – la FFB, l’USH, la FNAIM, la FPI, Pôle Habitat FFB, PROCIVIS, l’UNIS, l’UNNE, l’UNSFA et l’UNTEC – félicitent Guillaume KASBARIAN pour sa nomination en tant que ministre délégué en charge du Logement.
Alors que 83% des Français estiment que le pays traverse une crise du logement[1], les premières annonces du gouvernement fin janvier ne sont pas à la hauteur et ne répondent pas aux enjeux actuels. Le choc de simplification, régulièrement promis, se fait attendre. Le choc d'offre, brandi en 2017, n´a pas eu lieu non plus.
Il est temps de mettre tous les moyens pour relancer, partout en France, la construction neuve et dynamiser la rénovation de logements, l’outil de production étant en train de se fragiliser, voire de se fracturer avec la perte annoncée de dizaines de milliers d’emplois qualifiés dans toute la filière. Il est urgent de soutenir l’accession à la propriété pour un vrai parcours résidentiel des Français et l’investissement locatif de longue durée. Il faut par ailleurs répondre dès à présent à l’effondrement de la demande, cause principale de la crise.
L’Alliance pour le logement, qui a fait des propositions depuis longtemps, attend du nouveau ministre du Logement des décisions fortes et immédiates. Les membres de l’Alliance croient toujours à un sursaut qui requiert cinq engagements du gouvernement : répondre aux besoins des Français dans leurs différents parcours, accompagner les particuliers qui souhaitent acquérir un logement, respecter les professionnels, mettre en place des mesures réalistes pour tenir les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone et, dernier point fondamental, donner de la visibilité via un plan pluriannuel.
Ayant d’ores et déjà participé à de trop nombreuses concertations et missions restées vaines, les membres de l’Alliance demandent la mise en place d’une véritable politique nationale du logement et sont disponibles pour rencontrer collégialement dès le 9 février le ministre.
La CAPEB demande au nouveau ministre de prendre les arbitrages que le secteur attend avec grande impatience
La CAPEB adresse ses félicitations à Guillaume Kasbarian pour sa nomination au poste de Ministre du logement. Les défis qui l’attendent sont multiples. Le secteur doit affronter une crise sans précédent dans la construction neuve et une baisse continuelle de l’activité de rénovation depuis plus d’un an alors que les besoins sont immenses. La CAPEB appelle le nouveau ministre à inscrire sa feuille de route sous le signe de l’action.
Pour ce faire, la CAPEB porte des propositions concrètes, prêtes à l’emploi qui contribueront nécessairement à l’élaboration d’une politique du logement efficace.
Les chiffres en témoignent. L’artisanat du bâtiment connait un recul d’activité sur l’ensemble de l’année 2023 (-0,6% en volume). Ce résultat s’explique par la chute de la construction neuve (-4,5% au 4ème trimestre 2023) mais aussi par la timide et anormale croissance enregistrée par les travaux de performance énergétique (+1,5% seulement), qui ne permettent pas de tirer l’activité du secteur de la rénovation vers le haut alors que c’est un marché sur lequel les entreprises artisanales du bâtiment sont leaders.
Pour ce qui concerne la construction neuve, la CAPEB est convaincue qu’il faut réinventer le modèle de la promotion immobilière notamment en rompant définitivement avec les dispositifs du passé. Elle se tient à l’entière disposition du Ministre pour construire des solutions innovantes qui concrétiseront cette nécessaire évolution.
Dans cette période où la construction neuve est en retrait, le marché de la rénovation doit constituer une priorité absolue. Il s’agit là d’une composante essentielle pour relancer l’activité des entreprises, répondre aux attentes des français en matière de confort de vie mais surtout pour donner les moyens à la France d’être à la hauteur de son ambition environnementale.
Les 620.000 entreprises qui composent le secteur de l’artisanat du bâtiment, soit 97% des entreprises du bâtiment, sont en ordre de marche. La CAPEB appelle le ministre du logement à leur donner les moyens d’investir pleinement ce marché. Il y a urgence à agir.
À cet égard, la CAPEB rappelle son Appel de la dernière chance qu'elle a lancé fin décembre avec plus de trente acteurs majeurs du bâtiment pour une révision de la réforme MaPrimeRénov' entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Le nouveau ministre du logement a à sa disposition des pistes de solutions, élaborées par et pour les TPE elles-mêmes, pour rendre cette réforme moins exclusive et plus efficace.
Les attentes du secteur sont très fortes. La CAPEB forme le vœu que le ministre saura saisir le caractère d’urgence de la situation et prendre enfin les arbitrages qui s’imposent.
La CAPEB tient enfin à lui rappeler qu’il peut s’appuyer dans sa mission sur un collectif de TPE du bâtiment, présentes sur tous les territoires, compétentes, aux savoir-faire experts. Nous avons la capacité collective de relever le défi de relancer la dynamique des rénovations énergétiques en 2024, qui ont connu un trou d’air en 2023 comme en attestent les chiffres de l’ANAH, ainsi qu’adapter les 680.000 logements qui doivent l’être dans les dix prochaines années.