La semaine dernière, l'exécutif avait annoncé la fin du mandat de M. Bras. "Ce n'est pas une sanction" mais "un timing cohérent" après neuf ans de présidence, a assuré Matignon.
Plusieurs syndicats ont au contraire dénoncé une éviction, liée aux prises de position de Pierre-Louis Bras et derniers rapports du COR pendant les mois de contestation de la réforme des retraites, qui contredisaient des prévisions gouvernementales.
Dès janvier 2023, il s'était attiré les foudres du gouvernement, en déclarant à l'Assemblée nationale que "les dépenses de retraites ne dérapent pas".
L'exécutif a toujours justifié sa réforme, dont le report de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, par la nécessité de rétablir les finances du régime. En juin, après de nouvelles prévisions post-réforme, le COR cette fois-ci été accusé "d'exagérer" les futurs déficits.
Cette instance de 41 personnes (parlementaires, représentants du patronat et des syndicats, membres des grandes administrations et experts) est rattachée à Matignon mais travaille de façon indépendante. Elle est chargée "d'analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme" du système de retraite.
Né en 1956 et docteur en science économique, Gilbert Cette enseigne à l'école de commerce Neoma et de l'Université d'Aix-Marseille. Ancien membre du Conseil d'analyse économique, il est aujourd'hui adjoint au directeur général des études et des relations internationales de la Banque de France, et président depuis 2017 du groupe d'experts sur le Smic, chargé de remettre chaque année un rapport au gouvernement.
"Dubitatif sur l'avenir du COR"
En avril 2017, lors de l'élection présidentielle, il avait signé avec une quarantaine d'autres économistes une tribune de soutien à Emmanuel Macron. Il s'est depuis exprimé plusieurs fois dans la presse, notamment pour soutenir la réforme des retraites qu'il a par exemple jugée, dans le quotidien Les Echos en janvier, "assez équilibrée" et à même "d'assurer la soutenabilité du régime".
"La nomination de Gilbert Cette, c'est clairement débarquer et punir quelqu'un qui est un indépendant, capable de dire ce qu'il pensait (...), pour le remplacer par un bon petit soldat macroniste, aux ordres, qui va mettre au pas le COR", a estimé mardi le représentant de la CGT Denis Gravouil, chargé de la protection sociale et des retraites.
"Jusqu'à présent, Gilbert Cette n'a fait preuve d'aucune forme d'indépendance ni d'honnêteté intellectuelle par rapport aux positions gouvernementales", a déploré le syndicaliste. Pour lui, "comme à l'Assemblée avec son recours à gogo au 49.3, le gouvernement fait taire les voix" critiques.
Pour Force ouvrière, le secrétaire confédéral chargé des retraites Michel Beaugas s'est dit "dubitatif sur l'avenir du COR et de son indépendance". "Mais nous laissons le bénéfice du doute et lui souhaitons la bienvenue dans ses nouvelles fonctions. FO sera attentive", a-t-il dit à l'AFP.
Le président de la CFTC, Cyril Chabanier, a dit espérer que le nouveau président du COR sera "un peu plus ouvert" aux propositions des syndicats qu'au sein du groupe d'experts sur le Smic qu'il présidait. "Chaque année, on nous expliquait qu'un coup de pouce au Smic n'était pas possible".
"On le jugera aux actes", a réagi le secrétaire général adjoint de l'Unsa Dominique Corona.
"Nous souhaitons que le COR reste autonome et indépendant, un espace où on puisse débattre, au-delà des pressions politiques", a-t-il poursuivi. Avant de prévenir: "S'il devait y avoir un changement de doctrine, cela mettrait en péril l'ensemble des hauts conseils que nous connaissons".