"On n'a toujours pas d'actes. Des paroles, on en a eu." Présidente de l'association Trévise Ensemble, Dominique Paris, 70 ans, qui a dû quitter son appartement au 4 rue de Trévise et souffre de syndromes post-traumatiques, se dit "très fatiguée" à l'approche des trois ans de la catastrophe.
C'est l'une des 400 sinistrés de la rue de Trévise, artère du IXe arrondissement parisien soufflée au matin du 12 janvier 2019 par une très forte explosion provoquée par une fuite de gaz. Quatre personnes sont mortes, et 66 autres ont été blessées.
Début octobre, la Ville de Paris, mise en examen pour "homicides et blessures involontaires" et "destruction, dégradation ou détérioration par l'effet d'une explosion ou d'un incendie" dans ce dossier, a annoncé qu'elle abonderait de 20 millions d'euros le fonds d'indemnisation que les victimes appellent de leurs vœux, "sans que cela présume de sa culpabilité".
Les premières indemnisations pourraient intervenir "d'ici la fin de l'année", disait alors le premier adjoint (PS) Emmanuel Grégoire, qui a estimé mercredi ce délai encore tenable en cas de "finalisation de l'accord cadre pour fin novembre".
Pour cela, le Conseil de Paris doit autoriser jeudi la mairie à signer cet accord-cadre, "associant notamment" GRDF, le syndic de copropriété du 6 rue de Trévise - autre mis en examen - et les assureurs sous l'égide du Comité local d'aide aux victimes (Clav), "sans préjudice des procédures judiciaires en cours et des éventuelles condamnations qui pourraient s'ensuivre".
"Au bout de 35 mois, on a du mal à le croire", réagit auprès de l'AFP Linda Zaourar, présidente de Vret (Victimes et rescapés de l'explosion de la rue de Trévise), l'autre association de victimes qui revendique 150 adhérents.
M. Grégoire "ne pourra jamais tenir son calendrier. La fin de l'année, c'est demain", estime Mme Zaourar, en arrêt de travail depuis avril 2019.
Deux experts pour gérer le fonds d'indemnisation
Deux experts désignés par l'État seront à la tête du fonds d'indemnisation des victimes de l'explosion.
Ces deux experts agiront comme tiers de confiance vis-à-vis des victimes et "viendront valider, cas par cas, qui a le droit à quoi", a résumé lors d'un point presse le premier adjoint (PS), Emmanuel Grégoire.
Le sujet est très sensible pour la mairie de Paris, mise en examen - comme le syndic de copropriété de l'immeuble - pour "homicides et blessures involontaires" et "destruction, dégradation ou détérioration par l'effet d'une explosion ou d'un incendie" et très critiquée par certaines victimes qui s'estiment abandonnées.
Ces deux coordonnateurs, "un magistrat et un ancien militaire" à la retraite ayant "travaillé sur des grandes catastrophes", ont été proposés par la déléguée interministérielle à l'aide aux victimes (DIAV), Frédérique Calandra, et approuvés par Matignon et le ministère de la Justice, a indiqué le bras droit de la maire PS Anne Hidalgo.
En parallèle, "la médiation réalisée par le tribunal judiciaire" entre les parties prenantes doit permettre une "finalisation de l'accord-cadre pour fin novembre", a affirmé M. Grégoire, qui avait annoncé début octobre provisionner 20 millions d'euros pour pouvoir commencer à indemniser les victimes "d'ici la fin de l'année".
"Si tous les coordonnateurs ont leur lettre de mission rapidement", les premières indemnisations pourraient "sans doute" intervenir à cette échéance, a maintenu M. Grégoire, pour qui les 20 millions sont une "première étape", un montant "extrêmement confortable pour 6, 9 mois, 1 an" et qui permettra "d'accompagner toutes les situations individuelles", préjudices corporels comme matériels.
Le Conseil de Paris doit autoriser jeudi la mairie à signer cet accord-cadre, qui associe notamment GRDF, le syndic de copropriété du 6 rue de Trévise et les assureurs, "sans préjudice des procédures judiciaires en cours et des éventuelles condamnations qui pourraient s'ensuivre".
"On aurait pu le faire il y a un mois", calendrier initial de M. Grégoire, a réagi auprès de l'AFP Delphine Bürkli, la maire (DVD) du IXe arrondissement, satisfaite toutefois que "la médiation sur la finalisation de l'accord-cadre se passe bien".
"Les victimes seront soulagées quand il y aura les versements", a ajouté Mme Bürkli, pour qui les premières indemnisations n'interviendront au mieux qu'en janvier.
"Enfumage"
"On est tellement en attente qu'on a du mal à entendre les paroles", explique Dominique Paris, également sceptique sur une signature de l'accord-cadre fin novembre. "Cela fait 35 mois qu'on nous dit que ça avance, imaginez si ça n'avançait pas...", ironise Dounia Bencherat, mère d'Inès, gravement blessée dans l'explosion, pour qui les dernières annonces de la mairie sont "encore de l'enfumage" tant la maire de Paris Anne Hidalgo, candidate du PS à la présidentielle, "joue la montre" sur ce dossier, selon elle.
Faux, répond la Ville de Paris pour qui "dès révélation par la presse des conclusions de l'expertise pénale, courant décembre 2019, Anne Hidalgo a ordonné la réalisation d'une enquête administrative à l'inspection générale de la Ville, dont le rapport a été transmis au juge d'instruction".
La Ville, qui s'est félicité mercredi de la nomination de deux experts désignés par l'État pour superviser le fonds d'indemnisation, a "demandé cet accord-cadre" fin 2020, fait encore valoir l'entourage de la maire. "Si l'avis juridique de l'État a mobilisé trois ministères, Bercy, la Justice et les collectivités et nous a été adressé le 11 septembre dernier, soit plus de 10 mois après notre saisine, c'est bien que c'est un sujet juridiquement complexe."
Pour l'opposante LR Nelly Garnier, l'exécutif de gauche "a sorti la somme des 20 millions dans un contexte de médiatisation de l'affaire" à la rentrée, avec les témoignages d'Inès largement repris sur les réseaux sociaux et dans la presse. Mais sans calendrier précis, "on donne des os à ronger" aux victimes "pour leur dire que ça arrive".
Très engagée auprès des victimes depuis le drame, la maire (DVD) du IXe arrondissement Delphine Bürkli a désormais le sentiment que "la mairie veut tourner la page rapidement". "Le calendrier se dessine petit à petit", pèse-t-elle en visant janvier 2022 pour de premiers déblocages de fonds. Mais "les victimes seront soulagées quand il y aura les versements".