A l'heure où les tarifs de l'énergie flambent, où l'indépendance énergétique est remise au premier plan par la guerre en Ukraine et où la France prépare sa transition énergétique, une question brûlante risque de figurer dans la pile des urgences du nouveau gouvernement dirigé par Elisabeth Borne : quid de l'avenir d'EDF ?
Dans le précédent quinquennat, pendant quelque 18 mois, les syndicats de l'opérateur historique ont bataillé contre un projet de réorganisation, baptisé Hercule, censé apporter des moyens en mettant en Bourse les activités d'EDF liées aux renouvelables et en améliorant la rémunération du nucléaire.
Le projet a été finalement abandonné en raison de désaccords avec la Commission européenne sur le maintien de l'unité du groupe, et aussi du fait de l'approche des élections françaises.
"On a gagné le premier match, on reste humble parce qu'on sait que le projet n'est pas à la poubelle, il n'est qu'au congélateur", a expliqué mardi Philippe Page Le Mérour, secrétaire du CSEC d'EDF, à l'initiative, avec son homologue d'Enedis, de ce "Conseil national de l'énergie", lancé dans une grande salle du nord-est de Paris.
Car la question des moyens est plus cruciale que jamais, à l'heure de la décarbonation de l'économie et du renouvellement d'un parc nucléaire vieillissant.
Le nom de ce conseil est un "clin d'oeil" assumé au Conseil national de la Résistance, selon M. Page Le Mérour : "ça nous permet de rappeler que EDF vient de l'application du programme du Conseil national de la Résistance en 1946".
L'initiative vise à "sortir de la sphère syndicale" et à agglomérer tous les soutiens de la société civile, a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse.
Tant l'Etat que la direction d'EDF n'ont pas fait mystère de leur intention de remettre sur le métier la "réorganisation" d'EDF.
Lors de la campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron a évoqué une renationalisation, principalement "sur une partie des activités les plus régaliennes", relançant les spéculations sur le sort des activités les plus rentables, comme les énergies renouvelables.
Le PDG du groupe, Jean-Bernard Lévy, a lui plaidé pour une "réforme structurelle", le 12 mai à l'occasion de l'assemblée générale du groupe.
Communes inquiètes
Un projet qui renforce l'inquiétude de nombreux élus, en particulier de petites communes, qui redoutent la volatilité des prix de l'énergie dans un marché libéralisé.
"Les petites villes n'en peuvent plus, elles vivent des augmentations vertigineuses du coût de l'énergie!" a expliqué à l'AFP Christophe Bouillon, maire PS de Barentin (Seine-Maritime) et président de l'Association des etites villes de France (APVF), en marge d'un débat lors du lancement du CNE.
"Des communes ont fermé, ici des piscines, là des centres de loisirs. On est dans une situation dramatique pour beaucoup de communes. On nous dit que ça va durer, ça veut dire qu'il y a une question de modèle et c'est pour ça qu'on est aux côtés de celles et ceux qui ont envie de penser un autre modèle aujourd'hui", a-t-il ajouté.
"Il y a un bilan qui est fait de 15 ans d'ouverture (à la concurrence) qui ne fonctionne pas, donc quand ça ne fonctionne pas, il faut essayer de proposer autre chose, revenir à certaines valeurs qu'on défendait, et il faut arrêter d'être chacun sur notre couloir", a estimé pour sa part François Carlier, délégué général de la CLCV, qui représentait mardi les consommateurs.
"On souhaite qu'à partir d'aujourd'hui la parole de celles et ceux qui ont des choses à dire et qui ont des idées sur la conception du service public de l'énergie de demain puisse être entendue", a déclaré M. Page Le Mérour.
L'avenir du service public de l'électricité ne peut être cantonné aux couloirs des décideurs politiques et financiers, a-t-il dit, appelant "les citoyens" à s'en emparer.