"Quand on donne la parole aux citoyens, il ne faut pas cracher dans la soupe": Eliane Guigo, 71 ans, retraitée à Venanson, a pris place dans la petite salle de cinéma Jean-Gabin de Saint-Martin-Vésubie. Autour d'elle, beaucoup de retraités, mais aussi des jeunes actifs, comme ces deux agricultrices d'une trentaine d'années, des artisans, des commerçants ou un architecte.
Depuis début janvier, le micro a été tendu aux résidents des trois vallées, où les crues historiques d'octobre 2020 ont fait 10 morts et huit disparus. Jeudi et vendredi, c'était le tour des habitants de la Vésubie, dont les propositions seront ensuite soumises aux maires, sous l'égide de la Direction interministérielle à la transformation publique.
Sur les 5.000 habitants de la vallée, où les stigmates de la tempête sont encore partout visibles, 80 s'étaient portés candidats à cette consultation. Cinquante ont finalement été tirés au sort, défrayés 50 euros par jour, a précisé à l'AFP Domitille Arrivet, la modératrice, directrice conseil chez État d'Esprit, entreprise spécialisée dans les missions de concertation publique.
Pour Mme Guigo, la question "fondamentale" dans la Vésubie reste de se trouver un toit, avec toutes ces habitations détruites ou endommagées. Résultat: "La demande est en hausse de 35% sur les deux dernières années" pour des logements sociaux, souligne-t-elle, très au fait du dossier. Et de nombreuses familles consacrent jusqu'à "50% de leurs revenus" pour se loger, alors que certains "ont déjà un niveau de vie très bas".
Animatrice du débat, Mme Arrivet n'a pu que constater à quel point "la vue du désastre reste encore prégnante chez les habitants", avec cette obsession d'une "réhabilitation de la beauté de leur vallée". "C'est assez poignant quand ils parlent du bruit qui résonne encore dans leur tête".
"Pas une commission postiche"
Kamil Monge, de Lantosque, souligne lui les problèmes de mobilité, ces personnes "qui ont toujours des difficultés pour se rendre à leur travail, à Carros ou Nice, avec des voies de communication encore en mauvais état".
Mais pour Sarah de Caqueray, agricultrice de 30 ans, "il faut surtout aider les gens qui sont sur le territoire à y rester". Logement, emploi, "des sujets sensibles et longs à débrouiller" selon cette productrice de fruits, habitante de Saint-Martin-Vésubie.
Au fil des débats sont aussi évoqués la remise en état des canaux d'irrigation, la nécessité d'un tourisme "plus harmonieux", ou encore le manque de crèches et "les opportunités" de la fibre optique.
Parallèlement à ces débats publics, une plateforme a été ouverte sur Internet, afin de recueillir les doléances des habitants. Ce sont plus de 120 projets qui ont émergé, de la création d'une Maison de pays pour les produits locaux à l'ouverture d'un café associatif.
Sur les 572 millions d'euros consacrés à la reconstruction, "l'Etat a réservé 50 millions d'euros pour ces projets, potentiel porté à 100 millions grâce aux collectivités et à l'Union européenne", explique Xavier Pelletier, préfet délégué à la reconstruction, assurant que "les petits projets ne seront pas oubliés".
Le 14 février, l'ensemble des participants aux concertations dans les trois vallées se réuniront au Musée du sport de Nice, pour dégager les grandes lignes d'une reconstruction qu'ils veulent tous "durable", puis ces demandes seront présentées aux élus, le 28 février.
Mais comment s'assurer que les recommandations seront bien prises en compte ?
"Le préfet Pelletier nous a garanti, je le cite, que +ce ne serait pas une commission postiche+", veut croire M. Monge. "Nous l'espérons, car quand on voit ce qui s'est passé avec la commission sur le climat ou les doléances des gilets jaunes, on a parfois l'impression que c'est de bon ton d'interroger les citoyens mais que ça n'aboutit pas à grand chose..."