Le dernier épisode a débuté par un vœu proposé par Paul Hatte, élu d'opposition (LR) du XVIIe arrondissement, lors du Conseil de Paris du 7 juillet. Rejeté par la majorité, ce vœu demandait un audit des mesures mises en place par les bailleurs sociaux pour lutter contre la prolifération des rats dans les parties communes des logements.
"La dératisation est totalement oubliée par la mairie de Paris", souligne M. Hatte auprès de l'AFP. Depuis 2018, les élus du XVIIe, dans le nord-ouest de la capitale, sont particulièrement mobilisés sur la lutte contre les rongeurs, avec la création de brigades citoyennes et le lancement d'un site de signalement.
"L'exécutif ne met pas les moyens politiques et techniques nécessaires", ajoute M. Hatte, reprochant à la mairie centrale de ne pas laisser assez de liberté aux maires d'arrondissement dans la politique de dératisation.
La Ville de Paris défend quant à elle "un plan d'action à grande échelle lancé en 2017 pour limiter le nombre de rats bruns". Le plan se traduit en deux axes : une lutte directe pour en réduire la population (pièges, raticides...) et des actions pour limiter leur accès aux déchets (nouveaux conteneurs et poubelles, campagne de sensibilisation auprès du public).
La politique de dératisation de la Ville a également fait l'objet de critiques de la part de Douchka Markovic, élue du Parti animaliste dans le XVIIIe arrondissement. Lors du Conseil du 7 juillet, elle a regretté l'emploi de méthodes létales contre les rats.
Sa prise de parole, lorsqu'elle a tenu à désigner les rats par leur nom - réel - de "surmulot" et à "légitimer leur place dans les villes", a entraîné critiques et railleries sur les réseaux sociaux.
L'Académie nationale de médecine a dénoncé "l'ingénuité de ces propos", rappelant que le rat reste une menace pour l'homme en raison "de nombreuses zoonoses transmissibles par ses exoparasites, ses déjections, ses morsures ou ses griffures".
Ces risques sanitaires sont nuancés par la Ville de Paris qui rappelle que "le rat, très peureux, n'est pas un prédateur par nature". Elle estime que les transmissions sont réduites car "il faut en effet qu'il y ait un contact direct ou indirect entre l'homme et l'animal, et les contacts directs sont rarissimes".
Garder le rat sous terre
"L'humain a toujours essayé d'éradiquer les rats mais c'est impossible. Il faut réfléchir à d'autres méthodes", expose à l'AFP Douchka Markovic qui pointe également le coût de la dératisation. En 2017, la Ville de Paris avait estimé le coût annuel à 1,5 million d'euros ; un coût englobant l'ensemble des mesures (campagnes de dératisation, actions de propreté, changement de mobilier urbain, etc.)
"C'est un sujet très sensible politiquement", juge Grégory Moreau, adjoint (EELV) dans le XIe arrondissement, qui regrette "la frilosité de l'Hôtel de Ville" où la question est tiraillée entre plusieurs délégations (propreté de l'espace public, santé, condition animale...).
"On essaie de développer des méthodes non létales en parallèle des techniques traditionnelles", assure Christophe Najdovski, adjoint en charge de la végétalisation de l'espace public, des espaces verts, de la biodiversité et de la condition animale.
M. Najdovski insiste sur la nécessité d'agir en amont, "pour faire en sorte que les rats n'aient pas accès à la nourriture", et sur le "civisme" nécessaire pour réduire les déchets dans l'espace public.
Des expérimentations sont également prévues dans les XIe et XIIe arrondissements. Parmi les pistes d'essai, "les nettoyages seront effectués sur quelques sites en fin de journée plutôt que le matin", précise M. Moreau, à l'initiative de ce projet mené en partenariat avec des chercheurs du Muséum national d'Histoire naturelle.
Le but est de limiter les sorties nocturnes des rongeurs alors que leur présence permet de réduire la quantité de déchets dans les égouts.
Parmi les raisons de la remontée à la surface des rats se trouvent les (nombreux) travaux engagés dans la capitale. A deux ans des JO de Paris, le feuilleton politique devrait donc se poursuivre.