La secousse, d'une magnitude de 5,3 sur l'échelle de Richter, a causé les plus gros dégâts dans une dizaine de bourgades du nord du département. Comme à Cram-Chaban, où "180 maisons sont touchées, sur 360 boîtes à lettres", précise le maire, Laurent Renaud.
Dix mois plus tard, de grosses poutres étayent encore des murs qui menacent de s'effondrer sur la chaussée et des bâches recouvrent toujours des toits. Pourtant les artisans sont à pied d'oeuvre, reprenant des charpentes, consolidant des façades, détruisant des bâtisses trop abîmées.
Ici, 40 maisons sont classées "rouge": les propriétaires ne peuvent plus y vivre mais seulement passer prendre des affaires ; 30 sont classées "noir": interdit d'y pénétrer. Malgré le balai des fourgonnettes d'ouvriers, les réparations n'avancent pas assez vite.
"Humainement, c'est catastrophique, soupire l'édile. Les gens tombent en larmes, faute de pouvoir se projeter vers l'avenir." "La première étape, c'est de faire de la psychologie avec les clients qu'on récupère souvent à la petite cuillère", confirme Louis Bricourt, conducteur de travaux en maçonnerie.
Mobile homes
Les montants à engager peuvent dépasser largement le prix des maisons, comme pour celle de Maud Hamel : "Il y en a pour 467.000 euros de travaux, nous l'avons achetée 245.000".
"Il a fallu mandater un expert pour obtenir que des mesures conservatoires soient prises et qu'une bâche soit posée sur le toit car l'assurance avait refusé", déplore l'habitante. "On était propriétaire depuis plus de trois mois avant le séisme, donc la banque a refusé un report de prêt. On a peur, avec mon mari et nos quatre enfants, de devoir passer un deuxième hiver en mobile home."
Une trentaine ont été mis à disposition par l'association Habitat et Humanisme. Catherine Hamelin, conseillère municipale, vit dans l'un d'eux et a envoyé, mi-mars, un premier devis à son assureur.
"Ma maison est classée +rouge+, les quatre murs extérieurs doivent être consolidés. Les travaux sont estimés à 140.000 euros mais pour d'autres, ils montent jusqu'à 700.000 euros", souligne-t-elle.
Face à ces montants, beaucoup dénoncent la lenteur des compagnies d'assurance à intervenir. "Elles font traîner afin de négocier : par exemple, refaire la maison en réparant la cuisine mais pas la chambre, pour que ça coûte moins cher", accuse le président du collectif des sinistrés, Matthieu Priez.
"Elles tardent aussi pour que les gens acceptent la somme qu'elles proposent. Des gens cèdent pour ne pas rester en mobile home pendant encore des mois."
"Pas normal"
Depuis la venue du Premier ministre Gabriel Attal, le 23 février à La Laigne, ces logements temporaires, payés neuf à 18 euros par jour et par personne, sont pris en charge par l'Etat quand l'assurance ou le Fonds d'aide au relogement d'urgence n'interviennent plus.
Les assureurs ont été convoqués à Matignon. Une ligne téléphonique et une plate-forme numérique dédiées ont été mises en place pour tenter d'accélérer les dossiers.
"Sur 160 maisons susceptibles d'être démolies, on a 90 diagnostics et on en attend 70 autres. Ce n'est pas normal au bout de presque un an", estime le préfet de Charente-Maritime, Brice Blondel. "On reçoit les assureurs le 25 avril pour refaire un point et on exigera d'eux une attitude constructive et proactive", prévient-il.
La fédération du secteur assure, elle, être "en contact étroit avec les autorités locales depuis le séisme pour en suivre les conséquences".
Compagnies et experts "se sont mobilisés immédiatement en mettant en place des mesures exceptionnelles, comme le versement d'acomptes pour faire face aux situations les plus urgentes", affirme France Assureurs, ajoutant que le séisme a causé près de 17.000 sinistres pour une indemnisation totale de 184 millions d'euros.
A ce stade, 36 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, "alors que plus de 600 en avaient fait la demande".