Avec "97 millions de mètres carrés sous-entretenus" malgré "sept milliards de dépenses annuelles" en loyers, entretien et investissements, l'Etat entend réduire la voilure immobilière et "libérer des mètres carrés" de bureaux, a expliqué Alain Resplandy Bernard, à la tête de la direction de l'immobilier de l'Etat, qui participait aux "rencontres autour de l'immobilier public demain" organisées par le ministère de l'Economie et des Finances.
Le but: "faire baisser des deux-tiers la consommation énergétique" et "adapter les espaces de travail à une moindre occupation" par les agents publics, passés eux aussi à un rythme plus soutenu de télétravail avec la crise sanitaire.
Cela fait "30 ans qu'on réfléchit à cela dans le privé" pour "accompagner la réduction d'environ 20% des surfaces de travail pour un meilleur bilan carbone", assure Pierre Bouchet, cofondateur de "Génie des Lieux", cabinet de conseil indépendant en études, programmes et réalisation d'espaces de travail.
La crise du Covid "accélère" les choses et cela doit "s'accompagner d'une meilleure qualité d'occupation des espaces de travail", qui ne le sont aujourd'hui "qu'à 30, 40%" de leur capacité. "Il faut oublier la logique statutaire de l'espace et le penser en termes d'activité au service du collectif", estime-t-il.
"Flexoffice tribal"
Objectif ? Moins de bureaux attitrés, plus d'espaces collaboratifs, décloisonnés --tout en préservant l'intimité--, des locaux adaptés au "passage" d'équipes ayant "besoin de travailler ensemble mais pas tous les jours".
"Si on va vers deux jours et demi de télétravail en moyenne, avec les congés, les formations, soit des gens souvent absents, on ne peut plus garder de bureau attribué", estime M. Resplandy Bernard. Il prône le "flexoffice tribal (bureau non attitré) par familles de métiers".
A Rouen, la cité administrative et ses 44.000 m2 a été réaménagée en ce sens, afin de regrouper 1.800 postes de travail dans un même espace, et d'utiliser "50% d'espaces de couloirs, archives et surfaces non utilisées", explique Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture de Seine-Maritime.
Résultat d'une réflexion entamée en 2016 : "de nouveaux espaces de bureaux plus ouverts préservant des espaces de confidentialité, des lieux de convivialité en bordure de Seine, de nouvelles salles de réunion, un espace sportif", détaille-t-il.
A Amiens aussi la cité administrative en cours de construction a été "totalement pensée" pour regrouper plus de 900 agents éparpillés dans plusieurs lieux, explique Romain Dehedin, responsable du pôle immobilier de l'Etat au secrétariat général commun de la préfecture de la Somme.
Pour "du confort, beaucoup de luminosité, du bois pour bien s'y sentir, sans jamais perdre de vue l'enjeu: un aménagement suffisamment flexible pour déployer tous les espaces nécessaires de travail, une performance économique, énergétique et immobilière".
D'autres projets, lancés en 2018, sont en cours à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Lille, qui devraient aboutir à l'horizon 2023-2024, selon Christine Weisrock, responsable régionale de la politique immobilière de l'Etat en Ile-de-France.
Pour elle, l'accueil du public doit lui aussi être "amélioré" tout comme l'espace de travail des agents qui en sont chargés. Il s'agit de "concilier" l'accueil "en face à face", le renseignement téléphonique, la prise de rendez-vous et des espaces "pour se ressourcer".
Une réflexion qui ne peut s'exonérer des attentes des usagers, "qui viennent parfois payer une contravention, déclarer une naissance ou un décès", souligne Yoan Ollivier, cofondateur de l'agence franco-belge "Vraiment Vraiment", de design d'intérêt général.
"Réduire la taille des murs ne suffit pas", dit-il car les usages sont "multiples", les "services très divers". Pour lui, "tout l'enjeu" est de "réussir à changer les pratiques de travail par les lieux" en ménageant "une vraie transition", ce qui passe notamment par des "équipements numériques de qualité" pensés pour ceux qui les utilisent.