Inquiet, un homme demande à l'accueil si la piscine est bien ouverte le vendredi 9 septembre, pendant qu'un groupe scolaire barbote dans le bassin d'apprentissage. "C'est une rentrée compliquée", admet Christophe Gripon, le directeur de la piscine Yvonne-Godard (XXe) à qui "plusieurs dizaines" d'usagers ont demandé depuis lundi si la crise énergétique n'avait pas eu raison de l'établissement flambant neuf.
En cause, l'annonce par Vert Marine, gestionnaire privé de piscines publiques pour les collectivités, de la fermeture brutale d'une trentaine de piscines lundi, l'entreprise affirmant ne plus pouvoir faire face à l'explosion des coûts de l'énergie.
"Cela a un vrai impact psychologique sur les gens", assure Christophe Gripon. Séchant ses cheveux bruns, Florence Saint-Marcoux confirme : "j'étais à un vernissage hier, tout le monde ne parlait que de cela, demandait: +et toi, tu vas où?+"
Cette habitante de l'est parisien, qui se rend à cette piscine quatre fois par semaine, juge la situation "grave". "On pourrait peut-être fermer 20% des piscines, les plus anciennes, les moins performantes" sur le plan énergétique, juge-t-elle.
Dans Le Parisien, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra rappelle que "la piscine est un service public essentiel" et que si, les exploitants, privés ou publics, "sont aujourd'hui dans une situation précaire", une enveloppe de 100 millions d'euros de l'Agence nationale du sport a permis, en 2021, à 30 piscines de faire des travaux et réduire leurs consommations moyennes de 40%.
A Yvonne-Godard, les factures d'énergie, que M. Gripon estime à 180.000 euros par an, sont à la charge de Récréa, un concurrent de Vert Marine qui exploite le site sous une délégation de service public (DSP) et bénéficie de contrats de fourniture d'énergie bloqués jusqu'en 2023.
Équipée du toit au sous-sol
Mais c'est par un ensemble de petits "plus" que le bâtiment, réalisé par un groupement d'entreprises pour un coût de 12 millions d'euros, a reçu le "niveau exceptionnel" du label haute qualité environnementale (HQE).
Ainsi des capteurs de présence permettent-ils d'optimiser le recours à la lumière, souligne M. Gripon dont la piscine a pour objectif d'accueillir pas loin de 200.000 visiteurs en 2022.
Sur le toit, les 550 m2 de panneaux photovoltaïques produisent 150 mégawatt-heure par an d'électricité utilisée pour la piscine. Exposée à l'est et au sud avec ses baies vitrées, elle est baignée de lumière, ce qui "permet de moins chauffer le bassin", selon Christophe Gripon.
Pour éviter une déperdition de chaleur la nuit, des couvertures thermiques recouvrent les bassins. Mais c'est surtout la chaufferie, avec son module de cogénération, qui permet de récupérer la chaleur produite par le gaz.
Ce système en sous-sol "va d'abord chauffer le réseau d'eau, qui va alimenter à la fois le bassin et l'air, et le générateur qui tourne en même temps produit de l'électricité", vulgarise Zakaria Hezhaz, le responsable maintenance du site.
Des pompes à chaleur permettent d'optimiser la climatisation l'été et, inversement, de déshumidifier l'air l'hiver, via une centrale d'appoint, et "une climatisation condense l'eau récupérée dans un bac tampon pour alimenter les toilettes", explique le technicien.
Moitié moins d'eau nécessaire
Résultat, selon la mairie : une consommation d'eau réduite de moitié, celle d'énergies réduite de 40% par rapport aux autres piscines parisiennes, et un recours aux énergies renouvelables ou de récupération à hauteur de 31%.
Après avoir délégué la construction de ses deux piscines dernier cri, la mairie a débloqué 27,5 millions d'euros pour rénover 6 de ses 42 piscines, afin de faire baisser de 30 à 35% les consommations.
"C'est l'investissement le plus efficace", se félicite l'adjoint à la construction Jacques Baudrier (PCF), mais "on ne peut pas toutes les rénover en même temps, sinon il n'y aurait plus de piscines pour les Parisiens".