"Jamais ils ne sont venus à une réunion !". Jacques Baudrier, adjoint à la construction de la maire (PS) Anne Hidalgo et élu communiste du XXe arrondissement, ne décolère pas vis-à-vis de ses propres alliés écologistes au sein de l'exécutif parisien.
Depuis septembre 2022, ces derniers s'opposent frontalement au projet du promoteur Nexity adopté en 2019 par le Conseil de Paris, sous le premier mandat d'Anne Hidalgo.
A l'époque, ils s'étaient abstenus mais étaient "très clairs sur les réticences", affirme l'élue EELV (ex-Générations) Nathalie Maquoi, qui assume avoir soutenu le projet, avant de "changer de position".
Alors que les travaux, censés débuter en 2023, n'ont toujours pas démarré, les écologistes ont présenté dimanche leur "projet alternatif" pour la porte de Montreuil, s'attirant immédiatement les flèches des communistes: "fake news", "désinformation"...
Le projet actuel a été discuté "pendant des années" et les habitants "ne peuvent pas attendre 10 ans de plus", martèlent les communistes.
Fin 2021, l'exécutif parisien avait annoncé lancer la métamorphose de cette entrée populaire de l'est parisien, connue pour son marché aux puces, pour une enveloppe d'environ 100 millions d'euros.
Un chantier consistant à transformer l'immense rond-point routier entre Paris et Montreuil en "place" végétalisée de 3,5 hectares, via la couverture de l'anneau situé au-dessus du périphérique, mais aussi à édifier une dizaine d'immeubles, soit 60.000 m2 de bâtiments (bureaux, commerces, services) afin d'effacer la frontière entre Paris et sa banlieue.
Projet "obsolète" ?
Une opération "complètement obsolète", pour Nathalie Maquoi, dont le groupe s'allie régulièrement avec l'opposition de droite pour s'opposer aux projets urbains décidés sous l'ancien adjoint à l'urbanisme Jean-Louis Missika (2014-2020).
Soutenus par certaines associations (Greenpeace, FNE Environnement), les élus écologistes refusent "une muraille de béton et de bureaux" qui reviendrait à "accentuer la concentration des richesses à Paris" et donc à "renforcer les inégalités territoriales".
La dalle qui doit couvrir l'anneau "coûte environ 70 millions d'euros, "nécessite énormément de béton" et "va augmenter la concentration de polluant à l'entrée et à la sortie du nouveau tunnel", assurent-ils.
Autres cibles, l'hôtel prévu au-dessus du périphérique, alors que la justice a retoqué deux autres projets d'"immeubles-ponts" porte Maillot (XVIe) en raisons des risques de pollution pour les riverains, et l'abattage prévu d'environ 180 arbres.
Enfin, la question des quelque 400 puciers, qui doivent intégrer une halle à 240 emplacements que la Ville rachètera à Nexity, "n'est toujours pas réglée", souligne Mme Maquoi.
A la place, les écologistes proposent un réaménagement sans bâtiment, "qui peut être réalisé en trois ans", pour un coût de 35 millions d'euros, avec une piste cyclable, des murs anti-bruit, des arbres "tous les 6 m" pour le marché aux puces et une nouvelle "coulée verte".
"Pas d'avancée"
Ce contre-projet "ne tient pas la route", riposte le maire (apparenté PS) du XXe arrondissement, Eric Pliez, pour lequel la végétalisation poussée de l'esplanade ferait perdre "au moins 100 places pour les puciers".
Le communiste Jacques Baudrier estime le projet des Verts "infaisable" techniquement et "complètement délirant" sur le coût et le calendrier affichés : "C'est au moins trois fois plus cher", et "pas avant les élections de 2026".
Alors que la porte de Montreuil fait partie des pierres d'achoppement, au sein de la majorité de gauche, des négociations sur le plan local d'urbanisme (PLU) pilotées par l'adjoint PS à l'urbanisme Emmanuel Grégoire, "il n'y a pas d'avancée" à ce stade, affirme Nathalie Maquoi.
Eric Pliez, lui, n'exclut pas de renoncer à l'hôtel-pont afin d'arracher un accord, auquel cas "le permis d'aménager peut être déposé demain".
Les habitants, eux, "ont l'impression d'être une monnaie d'échange dans les négociations politiques", se lamente le Collectif Porte de Montreuil qui a manifesté mercredi en faveur du projet prévu. "C'était comme si on était en train de tout repenser alors que ça fait 20 ans qu'on parle de ce réaménagement", ajoute Sarah Aguilar, une porte-parole.