"Terr'arbouts" est né d'une alerte environnementale: la détection en 2018 d'une quantité élevée de s-métachlore, herbicide utilisé pour la culture du maïs jusqu'à son interdiction l'an dernier, dans un captage d'eau potable de l'est du département.
"Ce fut comme un coup de massue pour les agriculteurs", se remémore Benoît Auguin, responsable "eau" du Sydec, la régie locale.
Le recours à des filtres à charbon pour rendre l'eau "conforme" n'étant qu'une solution "temporaire", les autorités donnent alors dix ans à une trentaine d'agriculteurs de six villages proches de Mont-de-Marsan pour supprimer les pesticides.
Mais dans ce territoire souvent saturé en eau, le désherbage mécanique est "quasi impossible" et la conversion en bio "compliquée" car nécessitant des engrais organiques trop riches en nitrates pour les nappes, expliquent à l'AFP plusieurs agriculteurs concernés.
Les 35 exploitants se sont alors regroupés dans une association (Patav) et rapprochés d'un producteur d'électricité pour développer un projet d'agrivoltaïsme permettant de financer le changement de pratiques.
Plus de 400 mégawatts
Avec GLHD, une PME détenue partiellement par EDF Renouvelables, ils veulent disséminer, à partir de 2025, environ 200 hectares (ha) de panneaux photovoltaïques sur 700 ha de champs aujourd'hui principalement dédiés au maïs. La puissance totale installée, supérieure à 400 mégawatts, dépassera celle des plus grandes centrales solaires actuelles du pays.
Rémunérés durant 40 ans par l'énergéticien avec un contrat au "prix plancher" indexé sur le cours de l'électricité, les agriculteurs continueraient de cultiver les sols en "zéro phyto" entre les rangées de ces panneaux amovibles atteignant 2,5 mètres de haut.
Pour le viticulteur et président de Patav, Jean-Michel Lamothe, le "socle de revenus" du solaire - entre 1.500 et 3.000 euros l'ha/an dans la région, selon les sources - doit servir de "filet de sécurité" pour survivre et "aller vers des cultures moins rentables" mais "peu gourmandes en eau", aux débouchés nouveaux: cameline et chia (riches en oméga 3), miscanthus (paillage, bioplastique), bambou (alimentation, textile, menuiserie).
"La transition énergétique nous permet la transition agricole", plaide M. Lamothe, qui rêve de "faire vivre le territoire" en construisant "un modèle de référence" pour la jeune filière agrivoltaïque.
L'association met en avant sa "charte" pour parvenir au "zéro phyto", avec suivi par un organisme indépendant, et sa répartition des revenus du solaire - mutualisés partiellement, ils profiteront plus à l'agriculteur qu'au propriétaire foncier.
Inégalités ?
Le Sydec a déjà relevé une baisse des résidus d'herbicides, passés sous le seuil réglementaire.
Mais la commission d'enquête publique a relevé "l'insuffisance" des études d'impact environnemental et "l'absence de retour d'expérience" sur des projets similaires, réclamant un calendrier et des objectifs détaillés pour l'abandon des pesticides.
La préfète des Landes doit désormais accorder - ou non - des permis de construire.
La Chambre d'agriculture locale dominée par la FNSEA, le conseil départemental à majorité socialiste et les deux intercommunalités de la zone (15.000 habitants) se disent favorables, à la condition d'un "maintien de l'activité agricole".
Après un premier décret encadrant l'agrivoltaïsme, pour "compléter la production agricole" sans "la remplacer" selon le gouvernement, les partisans de Terr'arbouts attendent "un cadrage national" sur les baux ruraux entre énergéticiens et paysans, pour "éviter" les inégalités foncières, les "rentes de situation", et réglementer la transmission future d'une exploitation dopée par le solaire.
La branche landaise du Modef, syndicat agricole minoritaire et principal opposant, y voit "la fin d'un système".
"Sans solution [concernant] la rémunération de la production alimentaire, on va chercher d'autres outils" qui vont "dénaturer" le paysage, la valeur des terres et "la définition même d'agriculteur", craint sa présidente, Mélanie Martin. Le développement de la filière inquiète aussi la Confédération paysanne.
Mais selon le Syndicat des professionnels de l'énergie solaire Enerplan, moins de 1% de la surface agricole utile du pays permettrait de couvrir les objectifs de production.
"On ne pourra pas avoir une installation agrivoltaïque par exploitation en France car on irait bien au-delà des besoins", assure son délégué général, David Gréau.