C’est sous ce prisme que Sonergia a souhaité analyser les programmes des principaux candidats à l’élection présidentielle 2022. Les mesures et actions proposées par les 6 candidats ayant le plus d’intention de voix ont ainsi été passées au crible et un podium établi sur la base d’informations factuelles (présence ou non de mesures en lien avec l’efficacité énergétique).
Quelle appropriation de l’efficacité énergétique par les candidats ?
Une approche en entonnoir a été adoptée pour juger de la place donnée par chaque candidat à l’efficacité énergétique. Sujet relativement technique, voire de spécialistes, il a donc été regardé dans un premier temps quelle était la place de l’écologie dans le programme de chaque candidat. La réponse est sans appel et certains clichés ont encore de beaux jours devant eux : la place donnée à l’écologie reste très directement liée à la tendance politique et les partis de gauche en font en thème central quand la droite et l’extrême droite l’abordent en dernier ressort, voire ne l’abordent pas.
En affinant l’analyse sur les sujets énergétiques, un premier constat se dégage : si tous les candidats abordent le sujet de l’énergie dans leur programme, c’est avant tout sous l’angle des moyens de production (nucléaire, EnR…) et non dans une logique de réduction des consommations. Cette thématique de l’énergie est également amenée, au niveau de l’Etat sous l’angle de la souveraineté et donc de l’indépendance quand elle est vue pour les professionnels sous l’angle de la compétitivité et pour les ménages sous l’angle du pouvoir d’achat. L’énergie est donc en bonne place dans les programmes des candidats mais pas sous l’angle de la réduction de sa consommation.
Pour preuve, peu de candidats se sont au final appropriés le champ lexical de l’efficacité énergétique. L’expression ‘économies d’énergie’ n’est présente dans aucun programme et celle de ‘rénovation énergétique’ se limite à quelques occurrences. La ‘sobriété’ est presque inexistante et sans surprise, les certificats d’économies d’énergie sont inexistants. Par contre, les candidats sont nombreux à proposer des mesures que nous pourrions qualifier de pansements pour limiter l’impact de la hausse du prix de l’énergie sur le portefeuille des ménages. Baisse de TVA, réhausse du chèque énergie, 1ers KWh gratuits ou encore élargissement de la prise en charge des trajets domicile-travail : les mesures de compensation sont nombreuses mais ne vont pas résoudre le problème de fond lié à la consommation.
Comme mentionné précédemment pour réduire les consommations, il faut attaquer le problème à la base : si le changement des comportements peut permettre un gain dépassant les 10% (voir bilan programme ECORCE), les travaux de rénovation énergétique restent l’action de long terme privilégiée. Mise en avant par le plan de relance Covid 19, la rénovation est depuis le fer de lance des politiques publiques. Il est donc naturel de retrouver cette mesure en bonne place dans le programme des candidats :
Le constat est moins reluisant concernant les bâtiments tertiaires, qui, s’ils ne peuvent prétendre être les grands oubliés des programmes, ne sont que peu mis en avant. L’attendue « exemplarité de l’Etat » qui possède un patrimoine très important de bâtiments n’est jamais abordée, que ce soit sur ce sujet de l’efficacité énergétique ou plus largement sur les autres thèmes des programmes.
Autre sujet très parlant dans le quotidien des Français, le transport, qui est par ailleurs une source d’émissions de gaz à effet de serre à réduire drastiquement. C’est une quasi-unanimité des candidats sur le sujet et plus précisément sur la question de rail. Qu’il s’agisse de fret de marchandises ou encore de transport de personnes, les candidats s’accordent sur la place centrale du réseau ferré dans les décennies à venir. Les mobilités douces sont plus boudées, même si le co-voiturage et la pratique du vélo restent valorisés chez 2 candidats :
Sortant de ce spectre du bâtiment et des transports qui parlent très directement aux Français et donc aux électeurs, les autres pans de l’efficacité énergétique sont à la peine. Clairement, aucun des candidats ne dévoilent de mesures concernant l’agriculture et les réseaux. Il y a bien entendu des propositions sur ce thème mais elle ne concerne nullement le spectre des économies d’énergie. L’industrie est un peu plus chanceuse, considérée comme fleuron de notre pays sur certaines activités et très empreinte de décarbonation. La mise en place d’un Ministère commun Industrie-Energie ou encore de feuille de route spécifique pour faire évoluer les filières sont des mesures sur la table. Le spectre pris est donc celui du pilotage et de la planification, plus que des actions concrètes et de soutien dans un premier temps.
Quels sont les enseignements transversaux de l’analyse des programmes des candidats ?
- L’ensemble de ces mesures et engagements mériteraient d’être passés au crible de la faisabilité technique & économique : principe de réalité
- Le sujet de l’énergie est bel et bien présent dans chaque programme mais généralement pris sous le prisme de la production et non de la réduction des consommations
- Quand la réduction durable des consommations d’énergie est affichée par les candidats, c’est très majoritairement sous le prisme du gain de pouvoir d’achat des ménages et de la compétitivité pour les entreprises
- Les candidats ont une approche de l’électorat en tant qu’individu, au sein d’un ménage, et non dans le cadre de leur secteur d’activité professionnelle : de fait les mesures sur l’industrie, l’agriculture ou encore les réseaux sont sous-représentées
- La rénovation énergétique, mise en lumière dans le cadre du plan de relance Covid-19, est clairement le sujet de positionnement partagé par tous les candidats quand il s’agit de parler d’économie d’énergie
- Même si les sujets de transition écologique ne se réclament d’aucun parti, force est de constater que l’ancrage historique du sujet au sein des gauches tend à perdurer
Alors, qui serait le président de l’efficacité énergétique ?
Afin de ne pas tomber dans le jugement et de rester le plus factuel possible, une grille d’analyse a été travaillée afin de distribuer une note non contestable aux candidats. Elle est basée sur des questions fermées relatives à la présence ou la place de telle ou telle mesure dans le programme. Cette grille d’analyse est la suivante :
Ne voulant pas être pénalisant, il a été retenu que la présence d’une mesure par sujet était suffisante pour obtenir le point. Il convient donc de garder en tête que cette notation ne relève de la profondeur du candidat sur un sujet mais dans un premier temps du fait qu’il l’ait traité ou non.
Cette grille donne ainsi le podium suivant :
Yannick Jadot sort donc en tête de la prise en compte des mesures d’efficacité énergétique dans son programme, suivi d’assez près par Jean-Luc Mélenchon. Le président candidat Macron obtient la moyenne et se classe en 3ème position sur le podium. A noter que si ces scores permettent aux candidats d’être sur le podium, ils ne sont pas non plus exceptionnels et qu’ils posent une question de fond de la prise en compte du sujet dans les politiques publiques.
Les candidats auraient-ils pu faire mieux ?
Très vraisemblablement. Le spectre de l’efficacité énergétique n’a pas été porté comme un sujet fort dans le programme des candidats alors même que la question de la dépendance énergétique de notre pays est sur toutes les lèvres depuis plusieurs semaines.
Mais il n’est pas trop tard et heureusement que le programme d’actions des candidats pour le quinquennat ne se résume pas aux quelques pages publiées sur internet dans le cadre de la campagne présidentielle.
Sonergia souhaite donc transmettre les quelques messages forts suivants, sous forme de propositions à tous les candidats et plus largement toutes personnes s’intéressant au sujet de l’efficacité énergétique :