Ce marché qui concerne les 10 millions de lots de copropriétés en France, tenues par la loi Elan du 23 novembre 2018 de procéder à la mise à jour de leurs actes peut s’évaluer à environ 10 milliards d’euros et était totalement ouvert à la concurrence. Ainsi tout professionnel de la mesure était libre de les réaliser, qu’il s’agisse des architectes, des topographes, des diagnostiqueurs, ou des bureaux d’étude.
Désormais, seuls les 1.800 géomètres experts inscrits à l’Ordre, auraient le monopole de l’établissement de ces plans. Comme pour tout monopole les prix vont exploser. A ce jour, un topographe facture en moyenne 600 à 1.000 € HT pour ce type de prestation et les géomètres-experts près du double, voire plus.
Ce prix doublé va ainsi devenir la norme, ce qui va entraîner une perte de pouvoir d’achat pour les copropriétaires de 10 milliards d’euros à minima.
Attribuer ce nouveau monopole, que seule la loi doit être en mesure de définir, aux géomètres-experts n’est de surcroît en aucun cas justifié juridiquement. L’Autorité de la Concurrence, par un avis du 28 février 2018, invitait d’ailleurs le Gouvernement à légiférer sur cette question.
Depuis 4 ans le gouvernement n’a toujours pas engagé la réforme de la profession des géomètres qui était pourtant censée mettre un terme à l’insécurité juridique et économique liée à la réglementation actuelle.
Cette inertie va donc coûter 10 milliards d’euros aux copropriétaires.
Dans une période où le coût de la vie s’accroît à un rythme inquiétant, cette décision vient aggraver encore les choses.
Il apparaît donc indispensable que le gouvernement et le Parlement se saisissent enfin de cette question, et de manière générale du monopole des géomètres-experts, instauré il y a près de 80 ans qui ne se justifie plus, ni techniquement, ni juridiquement.
Le contexte de l’affaire
Dans une affaire qui opposait deux copropriétaires au sujet d’une voie d’accès commune, la question du prétendu monopole des géomètres-experts sur l’établissement des plans annexés aux actes de copropriété particulièrement secondaire, voire anecdotique, s’est, de manière fortuite, retrouvée au cœur de la décision de la Cour de Cassation.
C’est ainsi qu’un copropriétaire voulant interdire une partie de la voie d’accès commune à son voisin copropriétaire, a utilisé l’argument selon lequel le plan annexé aux actes de copropriété n’avait pas été établi par un Géomètre Expert, pour prétexter que ce plan ne lui était pas opposable. De ce fait, il serait fondé à contester le passage de son voisin.
Les juges de la 1ère chambre et alors même que le Conseiller rapporteur avait conclu au rejet du pourvoi de manière non spécialement motivée, ont décidé de casser l’arrêt d’appel et de procéder à sa publication sur cette seule question, élargissant d’un trait de plume un monopole, qui depuis 80 ans, ne portait aucunement sur les actes de copropriété.
Une décision de la Cour de Cassation ayant valeur de jurisprudence, il est à craindre qu’elle oblige à faire refaire tous les plans annexés aux actes de copropriété.
Comment parvient-on à 10 milliards d’euros ?
- Un géomètre-topographe facture entre 600 et 1.000 € H.T ce type de plan annexé aux actes de copropriété. Il s’agit d’une moyenne, les opérations pouvant être plus ou moins complexes. Un géomètre-expert facture presque le double ce type de prestation.
- Ainsi avec 10.000.000 de lots de copropriétés, le CA potentiel compris entre 6 et 20 milliards d’euros, suivant que le coût de l’opération est de 600, 1.000 ou 2.000 € HT.
- Les géomètres-experts se voyant attribuer de facto le monopole de la réalisation des plans annexés aux actes de copropriétés par la Cour de Cassation, ne baisseront à l’évidence par leurs tarifs et, au mieux, continueront à tarifer ces actes à 2.000 € HT pièce.
De surcroît, avec cette décision il est à craindre que l’ensemble des plans annexés aux actes de copropriété deviennent inopposables ou tout simplement nuls, ce qui nécessitera leur réfection à des tarifs monopolistiques.
De même toute nouvelle copropriété sera contrainte de payer les plans annexés à ces actes à un tarif monopolistique, au demeurant non réglementé.
Définition
Dans une copropriété, il y a deux types d’actes.
- Le règlement de copropriété (RCP) régit le fonctionnement de la copropriété et définit notamment la part de chaque copropriétaire dans les charges ainsi que les règles de vote au sein de l’Assemblée Générale des copropriétaires. En général, le RCP comprend l'Etat Descriptif de Division (EDD), qui lui, définit les parties communes et privatives de la copropriété et décrit les lots et leurs quotes-parts.
- Les modificatifs à l’état descriptif de division (EDD) et au règlement de copropriété (RCP) viennent amender le RCP et l'EDD lorsque des modifications sont apportées à la copropriété (création d'un lot sur parties communes, division d'un lot, surélévation/extension d'un lot etc.). Soumis aux votes des copropriétaires en AG, les modificatifs doivent ensuite être publiés par un notaire pour que leurs objets deviennent effectifs.