Avec les panneaux photovoltaïques, "la plupart du temps, l'énergie solaire est tout de suite utilisée sous forme d'électricité ou sous forme thermique", rappelle à l'AFP Rémi Métivier, chercheur CNRS et co-superviseur de l'étude. Pour la stocker, il faut utiliser par exemple des batteries.
Le système sur lequel il travaille, -avec l'acronyme MOST (MOlecular Solar Thermal)-, repose sur la chimie de molécules photochromes.
"Elles sont utilisées depuis longtemps dans des lunettes de soleil par exemple", avec des verres qui foncent ou s'éclaircissent en fonction de la luminosité ambiante, explique Keitaro Nakatani, professeur de chime à l'École normale supérieure (ENS) Paris-Saclay et co-superviseur de l'étude.
Elles ont la propriété de changer de couleur, mais pas seulement. Depuis plus de dix ans environ, les chercheurs travaillent sur la capacité de molécules photochromes à emmagasiner de l'énergie à partir de la lumière solaire, et à la conserver avant de la relâcher. Le tout à répétition.
"Cette molécule plus haute en énergie va pouvoir exister pendant des durées de plusieurs jours jusqu'à quelques semaines", dit à l'AFP Léa Chocron, première autrice de l'étude parue dans Chemical Science, la revue-phare de la prestigieuse Royal Society of Chemistry britannique.
"L'idée, c'est de pouvoir restituer cette énergie à la demande, pas du tout sous forme d'électricité, comme avec un panneau photovoltaïque, mais sous forme de chaleur", poursuit la doctorante en chimie dans le laboratoire PPSM de l'ENS Paris-Saclay.
"Chaleur à la demande"
Une application évidente serait un "fluide circulant sur le toit, par exemple, qui se chargerait spontanément en énergie et qui ensuite viendrait circuler dans nos radiateurs pour chauffer la nuit", ajoute M. Métivier.
Le principe est simple et repose sur l'irradiation avec des rayons ultra-violets, comme ceux du soleil, d'une molécule organique. Cette dernière subit une transformation chimique changeant son niveau d'énergie.
L'équipe a utilisé deux molécules de la famille des diarylethene conçues par des chimistes à l'Université Paris-Saclay. "Pas plus polluantes ou dangereuses qu'un colorant classique", selon le chercheur, qui est rattaché au laboratoire PPSM.
Une fois "chargées", ces molécules ont relâché leur énergie avec l'introduction d'une petite dose d'un acide utilisé en chimie organique. Dans un temps extrêmement court, allant de cinq minutes à une heure, selon la formule.
"Pour simplifier, c'est presque comme un interrupteur" qui permettrait de "libérer cette chaleur à la demande", résume M. Métivier.
Il précise que si le principe appliqué était déjà connu, l'apport de l'étude est de "totalement l'expliquer et le quantifier".
La compréhension fine du mécanisme à l'oeuvre et l'ensemble des processus qui l'accompagnent permet donc "maintenant d'aller au-delà, de développer et proposer d'autres systèmes qui seraient encore plus efficaces", ajoute-t-il. Que ce soit dans la capacité de conserver l'énergie ou dans le nombre de fois où la molécule peut être chargée et déchargée, comme une batterie.
Un travail de "chimiste de la lumière" effectué avec des spécialistes de l'énergie solaire, en l'occurrence du laboratoire PROMES, du CNRS à Perpignan, et dont l'horizon industriel ne se profilera pas avant une bonne dizaine d'années.