Un Paris plus cyclable
Une rue de Rivoli envahie de cyclistes, là où les voitures étaient il y a peu encore reines: le recul de l'espace dédié à l'automobile dans la capitale est frappant.
"En dix ans, nous avons aménagé l'équivalent d'un Paris-Bordeaux", soit quelque 500 km de pistes cyclables, se félicite dans le Nouvel Obs la socialiste, élue pour la première fois en 2014, puis réélue en 2020.
En incitant les Parisiens à prendre le vélo pour éviter la promiscuité du métro, la crise sanitaire a donné un coup d'accélérateur.
"Depuis qu'il y a les pistes cyclables, se balader à Paris en vélo, c'est génial", juge David Da Silva Frade, un consultant de 41 ans.
Mais ces aménagements sont loin de faire l'unanimité, comme la piste de la rue de Vaugirard, tant sur le processus de décision que sur les choix finaux.
"On découvre un matin qu'on a une piste cyclable en bas de chez soi!", fustigeait en 2020 l'opposante Rachida Dati, demandant plus de concertation avec les maires d'arrondissement.
Pierre, chef de projet dans l'industrie âgé de 34 ans, déplore que les pistes cyclables neuves soient "construites en dépit du bon sens, trop petites dès la conception, sans prise en compte des courbes de virage ou des carrefours". Résultat: "tout le monde s'engueule".
En provoquant ce "chaos des déplacements", "Hidalgo a réussi à fomenter la guerre de tous contre tous", tacle l'opposant LR David Alphand.
Après avoir obtenu, à l'issue d'une bataille judiciaire, la piétonnisation des voies sur berges rive droite, Anne Hidalgo s'enorgueillit aussi de fermer 200 rues à la circulation pour laisser plus de places aux piétons.
Si les transformations sont bien accueillies chez les riverains, nombreux sont ceux qui déplorent des travaux sans fin, parfois refaits d'une année sur l'autre.
Plus de logements sociaux, moins de Parisiens
C'est l'autre grand acquis d'Anne Hidalgo: avec de moins en moins de friches disponibles, la mairie a réussi à atteindre fin 2023 le seuil de 25% de logements sociaux imposé par la loi SRU. "La mixité sociale est ainsi préservée", souligne l'Hôtel de Ville.
Mais cela n'a pas empêché plus de 120.000 Parisiens, sur 2,1 millions d'habitants désormais, de quitter la capitale en une décennie. Une "anomalie" dans une région parisienne en croissance démographique, souligne M. Alphand qui voit un "lien objectif entre l'arrivée d'Anne Hidalgo et le départ des Parisiens".
En cause, la cherté et l'exiguïté des logements. Forcée de trouver une parade, Anne Hidalgo se félicite désormais de la "dédensification" de sa ville, une "nécessité" pour "mieux vivre à Paris".
"Chute de la natalité, augmentation du nombre de séparations, vieillissement de la population": son premier adjoint Emmanuel Grégoire, qui espère lui succéder en 2026, met lui en avant des "phénomènes démographiques" frappant Paris avant "le pays tout entier".
Une voirie qui laisse à désirer
Pieds d'arbres saccagés, présence visible des rats, nids de poule dangereux, feux tricolores ou lampadaires rafistolés, potelets au sol, propreté discutable... L'opposition fustige un espace public à l'abandon, alors que la dette de la ville s'approche des dix milliards d'euros.
Fin mars, les médias locaux ont relayé le désarroi d'un patron de bar qui, en ayant assez de voir les passants buter et se blesser sur un pavé défectueux, a payé de sa poche la réparation.
La mairie "a considérablement renforcé les moyens" affectés à la voirie mais "il y a encore des progrès à faire", admet Emmanuel Grégoire, mettant en avant "l'intensité de l'usage phénoménale" dans une des villes les plus denses et les plus visitées au monde. "On doit constamment refaire les choses, que ce soit pour des incivilités ou des accidents".
Trois ans après son émergence, le mouvement SaccageParis reste actif, galvanisé par le score humiliant réalisé dans sa propre ville (2%) par l'ex-candidate du PS à la présidentielle 2022.
La propreté est un "problème structurel qu'Anne Hidalgo n'a pas résolu", estime le politologue Rémi Lefebvre.
Un troisième mandat ?
Une décennie après sa première accession au fauteuil de maire de Paris, le 30 mars 2014, et quatre ans après sa réélection en pleine crise sanitaire, à l'été 2020, Anne Hidalgo pourrait-elle être candidate à un troisième mandat ?
L'intéressée maintient le suspense, répétant dans le Nouvel Obs jeudi 28 mars qu'elle annoncera sa décision "le temps venu", soit après les Jeux olympiques (26 juillet - 11 août).
A deux ans de l'échéance, le récent sondage Ipsos pour La Tribune Dimanche a peut-être refroidi l'élue socialiste, créditée de 13% à 14% d'intentions de vote au premier tour. Derrière le sénateur écologiste Yannick Jadot (18%), et très loin derrière son opposante honnie, Rachida Dati (30-38%).
Les socialistes parisiens rappellent qu'à la fin de son premier mandat, les sondages la donnaient perdante face aux macronistes... avant qu'elle ne soit réélue haut la main.
Forte de ce succès, la maire avait alors tenté l'aventure présidentielle 2022, en dépit de sa promesse de ne se consacrer qu'à Paris.
Résultat: le pire score du PS à l'élection (1,75%), et un parti ensuite fracturé en deux, Anne Hidalgo reprochant au premier secrétaire Olivier Faure de l'avoir insuffisamment soutenue.
Comble de l'humiliation, son score fut à peine meilleur dans sa propre ville (2,17%).
Pour le politologue Rémi Lefebvre, ses "choix de politique publique audacieux, mais très impopulaires" expliquent en partie ses mauvais scores, dans une ville "où la droite reste solidement ancrée" malgré sa "gentrification".
"Impression" d'isolement
En diminuant la place de la voiture - notamment des voies sur berges à l'issue d'une rude bataille judiciaire, mais aussi de la rue de Rivoli -, elle "s'est mis à dos énormément de gens", estime ce spécialiste du pouvoir local.
Louée à gauche pour son courage et sa ténacité, Anne Hidalgo pâtit aussi d'une image autoritaire que ne rapportent pas seulement ses détracteurs, mais aussi des acteurs de la vie parisienne qui ont décrit à l'AFP une mairie brutale dans ses décisions.
"C'est elle qui décide" et les collaborateurs de l'Hôtel de Ville sont là pour "appliquer les décisions", dit l'un d'entre eux, pour qui les cabinets de ses adjoints "pâtissent de ses très mauvaises relations avec l'exécutif" d'Emmanuel Macron, dont elle reste une opposante notoire.
Rencontres, échanges avec les membres du gouvernement leur sont interdits, ce qui "ralentit" leurs travaux et leur donnent "l'impression d'être isolés", affirme cette source.
Certains dossiers avancent quand même: ainsi Etat et mairie ont-ils mené main dans la main la bataille pour la baignabilité de la Seine, un budget de 1,4 milliard d'euros.
La maire a annoncé vouloir tenir sa promesse de se baigner autour du 23 juin. Le président aussi... sans préciser quand.