Mais efficacité rime-t-elle toujours avec faisabilité ? Est-ce qu’imposer à tout prix et très vite est gage de réussite ?
Ces questions, je me les pose à l’aube de l’application de ces nouvelles dispositions.
Car ces dernières années, l’essentiel de l’amélioration énergétique a été porté par des mono-gestes d’isolation, de changement de menuiseries, de systèmes de chauffage ou de ventilation. Ce sont ces travaux qui ont permis à des centaines de milliers de foyers de mieux maîtriser leurs factures d’énergie et de gagner en confort.
Alors bien sûr ça ne fait pas la Une des journaux et la tâche reste immense pour que tous les Français vivent dans des logements dignes. Mais on constate dans le même temps, que jusqu’à présent, le nombre de rénovations globales réellement réalisées est extrêmement faible. D’ailleurs, qui a vu de vraies rénovations globales de maisons ou de copropriétés dans son entourage ?
Alors oui la rénovation d’ampleur c’est l’avenir, mais c’est un chantier qui va prendre du temps à murir, à se construire. C’est aujourd’hui une affaire de terrain, d’entreprises, de coordination, plutôt qu’une affaire de loi ou d’orientation des aides.
Ce que tous les acteurs de la rénovation attendent, c’est plutôt que l’on accélère la structuration de cette filière. Que l’on crée des échanges et des passerelles entre les différents corps de métier afin que les travaux soient réalisés dans le bon ordre, de façon synchronisée, pour réellement être efficaces. Que l’on facilite la formation et la montée en compétence des artisans et que l’on favorise les entreprises sérieuses plutôt que de nouveaux acteurs qui profitent des effets d’aubaines et salissent l’image du secteur.
À 17 ans, je posais déjà de l’isolation par l’extérieur pendant mes vacances scolaires. Presque 40 ans plus tard, notre groupe produit une solution unique d’ITE brevetée, Origine France Garantie. Notre réseau Uniso France représente plus de 4.000 chantiers par an. Et à titre personnel, je reste engagé au quotidien dans ce mouvement de lutte contre la précarité énergétique qui accroît les inégalités.
C’est avec cette sensibilité que je me rends également compte que la réforme des aides comporte des injustices
Prenons le cas d’un couple très engagé dans l’amélioration énergétique du logement, ayant pratiquement finalisé sa rénovation. Si ces « bons élèves » veulent achever leurs travaux par une isolation par l’extérieur, à partir de 2024, ils n’auront plus droit à rien. Alors que dans le même temps, les propriétaires d’une maison faiblement isolée classée E, pourront eux installer une PAC et obtenir des subventions… Rénover impose de la cohérence : isolons d’abord, et seulement ensuite, installons un système de chauffage qui sera bien dimensionné, souvent moins cher et plus efficace !
Je crains aussi que cette évolution du système d’aides vers des rénovations d’ampleur décourage tous ceux qui habitent des maisons anciennes et pour qui le reste à charge très important deviendra prohibitif, alors qu’en mono-gestes, ils auraient rénové leur logement sur des dizaines d’années. Dans cette période de baisse du pouvoir d’achat, il ne faut pas se voiler la face, le risque est réel.
Alors bien sûr, je le répète, les rénovations globales sont l’avenir. Mais en orientant toutes les aides sur ces travaux et en « interdisant » le mono-geste alors qu’il représente 90% de l’amélioration énergétique, attention à ne pas renforcer les injustices et à ne pas précipiter toute une filière vers un échec. Tout simplement parce que les acteurs de terrain ne sont pas encore prêts !
Tribune de Sylvain Bonnot, président du groupe Myral et du réseau Uniso France (Linkedin).