En février 1975, "l'appel des 400", une tribune signée par 400 scientifiques dans le journal Le Monde s'insurgeait contre la construction des premières centrales en France.
"On nous propose de remplacer la peste par le choléra, la peste climatique par le choléra nucléaire", s'est insurgé mardi Marc Denis, docteur en physique atomique et moléculaire. Celui-ci était invité à présenter ses arguments, avec d'autres contempteurs de l'atome, dans une salle de l'Assemblée nationale, sous le regard de députés de la France insoumise (LFI) et de EELV qui avaient organisé la manifestation.
Un nouvel appel visant à "refuser tout nouveau programme nucléaire" met en garde contre les dangers de cette énergie et conteste sa pertinence pour limiter le changement climatique. Signé en juin par 500 scientifiques, alors que le gouvernement a décidé de relancer cette industrie et de construire dans les prochaines années six réacteurs EPR2 de nouvelle génération, avec une option pour huit supplémentaires, il revendique désormais 1.000 signatures de scientifiques.
S'il ne nie pas la nécessité de réduire urgemment les émissions de gaz à effet de serre face au désastre climatique, Bernard Laponche, physicien nucléaire et déjà signataire de l'appel de 1974, s'interroge : par rapport aux énergies renouvelables comme l'éolien ou le photovoltaïque, "pourquoi choisir la solution la plus polluante, la plus dangereuse du point de vue des accidents et la plus chère ?".
Dans les années 70, observe-t-il, la possibilité de réduire la consommation d'énergie et de développer les renouvelables "moins dangereuses, plutôt plus favorables sur la question climatique et beaucoup moins chères" n'avait pas encore gagné les esprits, remarque-t-il.
"Déni de démocratie"
"Pour respecter l'accord de Paris" de la COP21 conclu en 2015 et réduire de 55% les émissions de CO2 par rapport à 1990 d'ici à 2030, comme s'y est engagée l'UE, Jean-Marie Brom, physicien du nucléaire et directeur de recherche émérite au CNRS, estime que "la construction de six EPR2", qui ne pourront produire de l'électricité "au mieux qu'en 2037-2040, ne sera d'aucun secours".
Pendant une heure, les opposants, pour la plupart des "anti" historiques, qui craignent parfois d'être moqués pour leurs tempes grisonnantes, ont également énuméré les dangers que représentent les déchets nucléaires, les risques d'accident et le coût financier. Ils ont rappelé que l'EPR de Flamanville accuse 12 ans de retard et a vu son budget exploser par rapport à l'enveloppe initiale.
A l'inverse, les partisans du nucléaire, à commencer par le gouvernement, y voient un moyen de préserver la souveraineté énergétique de la France tout en réduisant la consommation d'énergies fossiles et les émissions de CO2.
Au-delà des reproches traditionnels faits au nucléaire, quelques opposants à l'atome ralliés à la cause plus récemment, comme Jeanne Mermet, jeune activiste qui se présente comme "ingénieure déserteuse", pointent un "déni de démocratie flagrant", s'agissant de la politique énergétique du pays.
Le choix de relancer le nucléaire "doit être concerté et débattu, pas seulement sous ses aspects techniques par un petit nombre d'experts, mais dans toutes ses composantes (écologiques, sociales, économiques), avec l'ensemble de la société, en s'appuyant sur les savoirs de la communauté scientifique et dans la prise en compte de la justice sociale et climatique", a-t-elle plaidé.