Néanmoins, si ce mouvement de désinflation laisse entrevoir la fin du cycle de resserrement monétaire, il ne garantit pas pour autant un accès au crédit bancaire plus facile. Ce contexte, conjugué à une raréfaction des dispositifs publics de soutien au logement, plonge le secteur du bâtiment dans un marasme profond, entrainant dans son sillage les secteurs amont (matériaux) et bientôt aval (immobilier, entretien...). Dans les travaux publics, la résilience de la clientèle privée et publique dont les investissements sont rythmés par les grands chantiers et le cycle électoral permet à l’activité de se maintenir mais la dynamique des travaux reste très hétérogène selon les territoires et leur spécialité. Et pour l’heure, la demande de granulats semble peu mobilisée par les chantiers TP tandis que celle de BPE pâtit du déclin constructif.
Au troisième trimestre, les productions de granulats et de BPE ont cessé de se dégrader par rapport au deuxième trimestre à -0,6% (Données:CVS-CJO).
L'éclaircie estivale n'a pas duré
Après une trêve estivale où les volumes ont cessé de reculer au mois le mois, les données provisoires de septembre suggèrent de nouveau un repli sensible de l’activité des matériaux.
Dans le segment des granulats, les productions se sont contractées de -4,8% par rapport au mois d’août (données CVS-CJO) laissant leur niveau -6,5% en dessous de celui d’il y a un an. L’accalmie de l’été permet au troisième trimestre de quasiment se stabiliser par rapport au trimestre précédent (-0,6%) et de limiter le retrait sur un an à -4,5%.
Ainsi, sur les neuf premiers mois de l’année, l’activité des granulats perd -7,3% sur un an, le cumul sur douze mois affichant, quant à lui, une baisse de -6,6%. Du côté du BPE, le constat est identique.
Après trois mois de stabilisation, voire de hausse, les livraisons de BPE ont renoué avec une baisse, de -3,5% par rapport à août et de -6,7% au regard de septembre 2022. Tout comme pour les granulats, l’activité du troisième trimestre se cale quasiment sur celle du deuxième trimestre (-0,6%) en restant sur des niveaux inférieurs de -4,8% à ceux du troisième trimestre 2022.
Les productions de BPE sur les neuf premiers mois de l’année et en cumul douze mois reculent cependant un peu moins que pour les granulats (-5,7% et -5,9% respectivement, en glissement annuel).
L'indicateur matériaux, encore provisoire pour le troisième trimestre, traduit des trajectoires similaires. Après un deuxième trimestre en repli de -7,4% sur un an (données CJO), l’activité du panier de matériaux stabilise cette tendance baissière au troisième trimestre (-7,2%). Sur les neuf premiers mois de l’année, l’indicateur affiche une contraction de -8,3% sur un an, certains matériaux, comme les tuiles et briques particulièrement exposés à la conjoncture très dégradée de la maison individuelle, enregistrant des baisses à deux chiffres.
Bâtiment : chronique d'une crise annoncée
La dégradation des indicateurs et enquêtes menées auprès des professionnels du bâtiment se confirme au fil des mois et s’accentue. En octobre, le climat des affaires mesuré par l’INSEE s’est encore assombri : les soldes d’opinions, sur l’activité passée et future, sont désormais repassés sous le seuil symbolique des moyennes de longue période.
Dans le gros œuvre, les soldes d’opinion sur l’activité prévue et le jugement des carnets de commandes ont littéralement décroché en octobre, franchissant largement leurs moyennes de long terme. Certes, les carnets de commandes dans ce secteur affichent encore 8,9 mois d’activité (contre 7,4 mois en moyenne sur 20 ans) mais leur érosion se poursuit et pourrait s’accélérer si l’on en croit l’évolution récente de l’opinion des professionnels sur leurs carnets.
Dans ce contexte, les tensions sur l’appareil productif continuent de se modérer, rejoignant peu à peu des niveaux proches de la normale, excepté pour le personnel où subsistent encore quelques tensions, tandis que l’évolution des prix prévus continue de s’assagir. Ces tendances font écho aux autres indicateurs sur la construction et l’immobilier, récemment parus, et qui confirment le marasme du secteur.
La dernière enquête menée par l’INSEE auprès des promoteurs immobiliers indique qu’en octobre les perspectives de mises en chantier de logements ont atteint leur plus bas niveau historique !
Le léger rebond du segment «destiné à la location» (sans doute lié à l’anticipation de l’arrivée à échéance du dispositif Pinel fin 2024) ne parvient pas à compenser le plongeon du segment de l’accession. La frilosité des promoteurs ne fait que répondre à la conjoncture particulièrement sombre des ventes de logements neufs : au cours du troisième trimestre en effet, selon les données du ministère, les réservations d’appartements et de maisons individuelles ont encore chuté, de -12,1% par rapport au trimestre précédent (données CVS-CJO), ce qui porte à -40% le recul des ventes sur un an (soit 16.201 unités).
Du côté des CMistes (segment individuel diffus), le constat est identique avec une chute de -38,6% sur un an à fin septembre (soit 66.800 maisons à construire sur un an, un niveau divisé par deux par rapport à la moyenne long terme). Cet effondrement des ventes se couple d’une contraction sévère de l’offre qui atteint près de -33% sur l’année à fin septembre (dont -54,8% pour les maisons individuelles et -31,4% pour les appartements). Dans un marché au point mort où les stocks d’invendus augmentent (+16,7% sur un an, soit 131.400 logements dont la majeure partie est encore à l’état de projet), les prix du neuf se modèrent. En légère baisse pour les appartements (-0,9% par rapport au trimestre précédent mais +1,1% sur l’année), ils continuent cependant d’augmenter pour les maisons (+1,1% au troisième trimestre contre +2,7% sur l’année). Mais cette accalmie sur les prix de l’immobilier neuf ne suffira pas à relancer la demande.
En effet, face aux pénuries de logements, dans le secteur libre comme dans le secteur social, l’attentisme des promoteurs et des investisseurs et la raréfaction de l’offre devraient maintenir un déséquilibre du marché favorable à des prix élevés. Pour l’heure, les mises en chantier de logements continuent de plonger : fin septembre et sur trois mois, elles se contractaient de -21,7% sur un an, portant à 315.800 logements le cumul sur douze mois. Et il n’y a guère à espérer du côté des autorisations qui s’enfoncent de -29,2% sur un an au cours des trois derniers mois, soit autant que la tendance sur douze mois (-28,3% avec 371.800 permis). Longtemps résilient, le secteur des locaux d’activité dévisse à son tour avec une baisse des ouvertures de chantier de -11,8% sur un an au cours des trois derniers mois et un repli des permis (-6%).
Travaux publics : seule bonne nouvelle ?
Au milieu de cette crise de la construction, dont l’ampleur est aggravée par la conjonction de facteurs à la fois financiers, conjoncturels et institutionnels (avec une politique procyclique menée par l’exécutif), les travaux publics se distinguent par un bilan plus positif. Dans l’enquête trimestrielle de la FNTP du mois d’octobre, les professionnels se montrent plus confiants sur leur activité à venir, tant auprès de la clientèle privée que publique. Ils jugent également plus favorablement leur activité récente même si les carnets se regarnissent moins que cet été, tout en restant supérieurs à la moyenne de longue période. De janvier à septembre, les travaux réalisés progressent de +4,8% sur un an (en volume, CVS-CJO) et les marchés conclus ont gagné +13%, dont une hausse de +5,3% au troisième trimestre. Cette dynamique est encourageante mais ne concerne toutefois pas tous les territoires ni tous les corps de métier. Surtout portés sur le génie civil/transport collectif et l’énergie, ces chantiers se concentrent pour le moment dans les grandes métropoles et centres urbains.
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