Avec ses immeubles de nouvelle génération équipés de salle de coworking ou de restaurants, ses appartements ou maisons rénovés proposant des chambres spacieuses et pléthore de services - salle de sports, de cinéma ou cours de cuisine - l'habitat partagé s'est métamorphosé.
Plébiscitée par les étudiants en raison du coût souvent exorbitant de l'immobilier dans certaines villes, il s'ouvre désormais aux actifs "en transition" professionnelle.
"Les jeunes repoussent leur décision d'acquisition" pour des questions "de budget et de liberté", explique Benoît Joubert, un des cofondateurs de The Babel Community, qui propose des immeubles mixant "coliving", avec de multiples espaces partagés, et coworking pour les entrepreneurs locaux.
Il n'est donc plus rare de voir des trentenaires tenter de vivre dans le partage pendant quelques mois pour prendre la température d'une ville, constate Benoît Joubert.
C'est ce qu'a fait Pauline, 28 ans. Saisonnière dans l'animation, elle s'est installée en colocation en banlieue de Nantes entre deux contrats à l'automne. "Ça m'a évité les démarches" d'internet, d'électricité et l'achat de meubles, explique-t-elle.
Comme un studio
La France a pris le train de la colocation bien après les pays anglo-saxons ou asiatiques. En cause, un "manque de produits" adaptés et la frilosité des propriétaires, dit Sébastien Champion, directeur et fondateur associé du réseau d'agences Colocatère.
Si la colocation est largement associée dans l'imaginaire commun au film "l'Auberge espagnole" (2002), ce n'est toutefois pas ce que recherchent les locataires, avertit M. Champion.
Et notamment les plus aisés, qui souhaitent profiter, en plus de grandes salles communes, d'espaces privés ressemblant davantage à un studio qu'à une chambre chez l'habitant.
Certains restent néanmoins contraints de partager une salle de bain, car le prix de ces nouvelles formes d'habitat partagé, dans des logements décorés et rénovés, avoisine voire égale ceux des studios classiques.
Depuis moins de dix ans, les entreprises de colocation ou coliving se sont multipliées et redoublent d'initiatives pour attirer de nouveaux locataires, particulièrement des CSP+.
La Casa a choisi de proposer des maisons thématiques pour ses locataires, en majorité des actifs de 30 ans de moyenne d'âge, selon son fondateur et PDG, Victor Augais. Casa "verte" agrémentée d'un grand jardin, Casa "des chefs" pour les gourmets ou Casa "des sportifs" avec salle de sport...
Les demandes affluent, avec en moyenne "huit candidatures par chambre" disponible, selon M. Augais.
Ouverture aux seniors
Corentin Durin, 26 ans, y a loué une chambre toute équipée quand il a obtenu son premier CDI. "Je suis quelqu'un de sociable, je n'avais pas envie de vivre seul" dans une chambre de bonne ou un petit studio parisien, explique-t-il.
Les "services inclus évitaient les problèmes" entre colocataires, détaille-t-il encore, notamment le passage d'une femme de ménage deux fois par semaine dans les parties communes. Financièrement, ces nouveaux habitats peuvent être "plus chers" qu'une colocation classique, confirme-t-il, mais les prestations font qu'il "s'y retrouvait" quand même.
Outre ce public de jeunes actifs, Casa doit s'ouvrir au printemps prochain aux seniors, via deux maisons en banlieue parisienne. Une réponse au "besoin" de trouver une alternative aux Ephad, assure Victor Augais.
Les personnes âgées "encore autonomes" y partageront des espaces communs en profitant de chambres adaptées.
Une idée déjà mise en place par l'entreprise CetteFamille qui offre, en périphérie des grandes métropoles, des colocations de huit seniors, assistés en permanence d'auxiliaires de vie.
Cette formule permet de s'implanter "là où les grands opérateurs ne vont pas" et de "faire revenir des services d'aide à domicile" dans les zones rurales "qui sont souvent des zones blanches", relève Paul-Alexis Racine Jourdren, son président et cofondateur.
A l'origine, CetteFamille réalisait de l'accueil familial, qui permettait d'orienter un senior dans une famille d'accueil.
"Mais nous avions beaucoup de demandes et pas assez de familles", détaille M. Racine Jourdren, alors que les personnes âgées réclamaient "de la proximité, de la sécurité et du lien social". C'est finalement la colocation qui s'est imposée.