Après la crise Covid, "tout le monde a voulu changer de vie en alternant résidence en ville et à la campagne", entraînant une envolée des prix sur le marché de l'immobilier de prestige, rappelle Alexander Kraft, PDG de Sotheby's Realty France.
Mais la guerre en Ukraine, l'inflation, puis l'escalade des taux d'intérêt ont provoqué un ralentissement du marché en 2023, poursuit-il, jugeant toutefois l'année "excellente".
Car si Sotheby's Realty a vu son volume de ventes baisser de 7% en 2023, ce dernier reste supérieur de 2% à 2021, précédente année record, avec près de 1,5 milliard d'euros de recettes.
Certains secteurs ont plus souffert que d'autres, comme les communes de l'ouest parisien et leur clientèle traditionnellement familiale, rapporte le réseau d'agences Daniel Féau.
"Les prix moyens parisiens, tous types de biens confondus, qui étaient de 17.236 euros/m2 en 2022, ont baissé", relève son président Charles-Marie Jottras, pour qui 2023 marque "une inversion du rapport de force entre acheteurs et vendeurs, après plusieurs années où le vendeur faisait la loi".
La violente remontée des taux d'intérêt en 2023 a selon lui servi de déclencheur pour une clientèle qui n'a certes "quasiment pas besoin d'emprunter pour acheter" mais qui a voulu "en profiter" pour acheter à la baisse.
Intouchable, le très haut de gamme parisien s'envole toujours à plus de 10 millions d'euros, avec des prix "parfois très supérieurs à 30.000 euros le mètre carré", constate Daniel Féau.
"A partir de 4 ou 5 millions d'euros, le marché est resté stable. Plus on monte dans les prix, plus le marché est dynamique", confirme Thibault de Saint Vincent, président de Barnes.
"Acheter de l'or"
Valeur refuge en période de crise, l'immobilier de prestige permet aux investisseurs fortunés d'échapper à l'inflation, rappellent les experts.
"On a réalisé deux fois plus de ventes supérieures à 10 millions d'euros sur la Côte d'Azur en 2023 qu'en 2022", souligne Thibault de Saint Vincent.
"A Paris, dès que vous avez un bien +tip top+, comme un hôtel particulier sur le Champ-de-Mars, vous avez quatre ou cinq acquéreurs. Pour eux, c'est un peu comme acheter de l'or", poursuit-il.
C'est d'autant plus vrai à Paris, où l'offre de luxe est structurellement inférieure à la demande.
Barnes, qui analyse chaque année les aspirations des 395.000 "super-riches" dont les actifs dépassent 30 millions de dollars, constate un développement des "entrepreneurs nomades".
En quête de "liberté géographique" mais aussi de "fiscalité douce", cette population est prête à travailler "depuis n'importe où dans le monde" en y emmenant famille et enfants, et achète "plusieurs résidences, semi-principales ou semi-secondaires".
Ce nomadisme suscite, selon Barnes, un engouement pour des lieux autrefois réservés à la villégiature, comme les stations balnéaires ou de ski qui "vivent toute l'année".
"Il y a un marché à trois vitesses", analyse Alexander Kraft. Un marché international avec Paris, la Côte d'Azur et la montagne, qui marche selon lui "très bien", un marché "plus calme" de résidences secondaires dans les stations huppées (Biarritz, Dinard) et un marché "plus affecté" de résidences principales dans les grandes villes de province.
Autre caractéristique selon lui, les acheteurs sont "de plus en plus sélectifs", exigent "des biens parfaits" et n'hésitent pas à négocier "très agressivement" dès qu'il y a un défaut, pouvant faire chuter les prix de 5 à 20%.
Les acheteurs français représentent encore 70% de la clientèle de Sotheby's, contre 50% avant le Covid, mais les étrangers sont de retour, notamment des Etats-Unis et du nord de l'Europe.
En 2024, les experts espèrent une baisse plus prononcée des prix pour faire redécoller les ventes. "On a tous compris que l'année 2022 jusqu'à début 2023, était un pic, et qu'il va falloir accepter de redescendre un peu", note Thibault de Saint Vincent, qui voit là le retour à "un marché plus sain", avec des biens qui vont se vendre "à leur juste prix".