
La France fait face à une situation alarmante concernant la protection de ses sols
L'artificialisation progresse 4 fois plus vite que la démographie, faisant de la France le plus mauvais élève de l’Union européenne en rythme d'artificialisation. 90% de l’artificialisation est réalisée sur des terrains agricoles, alors que le secteur est en première ligne du combat pour l’atténuation et l’adaptation au dérèglement climatique, qui accentue les effets des catastrophes naturelles, notamment les inondations, la sécheresse, les incendies. À l’heure des inondations massives (Pas-de-Calais, Alpes, Bretagne), des méga-feux (Landes) et de la raréfaction de la ressource en eau, protéger les sols et leurs fonctions, c’est protéger les populations et atténuer la vulnérabilité des infrastructures et améliorer la résilience des territoires. Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) (2018), la restauration des terres et la prévention de leur dégradation ont un meilleur rapport coût-efficacité que toutes les autres mesures d’atténuation du changement climatique.
L’appel “Pour une politique nationale des sols” se décline en 14 mesures phares qui s'articulent autour de quatre grands axes :
- Connaître les sols et leurs fonctions, en mettant en place des outils pour mesurer et protéger la qualité des sols, notamment par l'intégration d'un diagnostic de qualité des sols dans les cessions immobilières et foncières ;
- Gouverner les sols de manière transversale et décentralisée, par la création d’une délégation interministérielle des sols et la pérennisation d’une gouvernance décentralisée de la neutralité foncière basée sur les conférences ZAN ;
- Financer la sobriété foncière, par la mise en place d’un maillage d’outils régionaux de financements et des mesures fiscales incitatives, telle que la modulation de la fiscalité foncière pour encourager les projets les moins “artificialisants” ;
- Accompagner les territoires et les projets, en massifiant l’appropriation de la transition foncière ainsi que l’accompagnement en ingénierie technique auprès des collectivités et de tous les acteurs de la sobriété foncière.
Pour Jean GUIONY, Président de l’Institut de la transition foncière : « Les sols sont la condition sine qua non de territoires et de villes habitables. Ils ne se renouvellent pas à l’échelle humaine : c’est un patrimoine absolu. Or, ils font trop souvent l’objet de mesures sporadiques et dispersées, sectorielles. Artificialisation, contaminations, érosion : la France part de loin. Comme elle l’a fait pour le carbone et l’eau, elle doit proposer un cadre national clair, intégré, fondé sur des définitions partagées, des moyens adéquats, et des objectifs ambitieux. C’est le sens des 14 mesures de cet Appel pour une politique nationale des sols : les définir de façon claire, les protéger sans ambiguïté, financer massivement la sobriété, et accompagner les territoires avec une ingénierie adaptée. »
Pour Laurence FORTIN, Vice-Présidente de la Région Bretagne en charge des territoires, de l'économie et de l'habitat : « Engagée, depuis longtemps, dans une trajectoire de sobriété foncière, la Bretagne défend ses sols, garants de fonctions environnementales essentielles et permettant notre souveraineté alimentaire. Un autre rapport à notre environnement est possible, il demande de revoir en profondeur le logiciel de l'aménagement de notre territoire. Cette initiative est une pierre importante à l'édifice, c'est pourquoi nous la soutenons. »
Pour Jérémy CAMUS, Vice-Président de la Métropole de Lyon en charge de l'agriculture, de l’alimentation et de la résilience du territoire : « La réforme du ZAN convoque un changement de pratique et de vision, dans un contexte de transition en faveur d’un modèle plus sobre en foncier et de protection des territoires au changement climatique. C’est une nécessité au regard de la préservation des sols, garant de la vitalité de la biodiversité et puissant puit de carbone naturel. Préserver les sols du bétonnage facile, c’est maintenir nos capacités agricoles et participe de la souveraineté alimentaire de nos territoires. »
Pour Chloé GIRARDOT-MOITIE, Vice-présidente du Département de Loire-Atlantique : « L’artificialisation massive de nos sols a des conséquences que nous subissons toutes et tous : un grignotage progressif de terres agricoles pourtant nécessaire à notre souveraineté alimentaire, un déséquilibre du cycle de l’eau par l’aggravation du phénomène de ruissellement et une perte irréversible de biodiversité. La Loire-Atlantique est un département très dynamique dont la population a doublé en 70 ans, et dont l’artificialisation des terres a été multipliée par 3 sur cette même période ; il est de notre responsabilité d’agir pour préserver nos espaces agricoles et naturels. »
Pour Thibaut GUIGUE, Président de Métropole Savoie : « Métropole Savoie est engagée depuis plusieurs décennies dans une trajectoire de sobriété foncière. Élus en responsabilités dans un territoire accueillant à la fois le plus grand lac d'origine naturelle mais aussi la plus ancienne station de ski de France, nous savons l'attachement de chacun aux fonciers agricoles et naturels. Ils dessinent à la fois le grand paysage et le cadre de vie pour lesquels nos habitants ont choisi de vivre ici, mais aussi un intermédiaire essentiel pour préserver le caractère soutenable de nos ressources territoriales. »
Pour Christophe MILLET, Président, Conseil national de l’Ordre des architectes : « Les sols fertiles disparaissent. Depuis 40 ans, ce sont plus de 20 000 ha de terres naturelles, agricoles et forestières qui sont artificialisés chaque année, soit une croissance de l’urbanisation de 72% quand la population n’a augmenté que de 20%. Et cela pour alimenter un étalement urbain qui a dominé la fabrique de la ville ces dernières décennies. Il fragilise les habitants, entraîne une dépendance à la voiture et aux énergies fossiles, il spatialise les inégalités et participe au déclin de la biodiversité et des écosystèmes naturels. Cette trajectoire est insoutenable. Il s’agit désormais de ménager le territoire ; de réinvestir l’existant : la ville de 2050 est déjà construite à 80% ! »
Pour Séverine VERNET, Présidente de l'Ordre des géomètres experts : « Le sol est à la fois l’écrin et le socle du vivant. Il est le premier maillon de nos territoires et de nos paysages. Pourtant, cette ressource précieuse, vivante et limitée, est trop souvent reléguée au second plan des décisions d’aménagement. Nous ne pouvons plus penser l’urbanisme sans consacrer le rôle fondamental du sol dans la préservation de la biodiversité et de nos équilibres écologiques. Limiter l’artificialisation, et mieux encore, restaurer des espaces déjà urbanisés, est un impératif autant écologique que sociétal. C’est tout l’enjeu que nous avons porté lors des Assises Nationales de la Sobriété Foncière, organisées par l’Ordre des géomètres-experts en juillet dernier. A travers des propositions concrètes, nous avons engagé une réflexion collective pour tracer une trajectoire ambitieuse vers le ZAN, tout en veillant à ce qu’elle soit humainement acceptable et en prenant en compte le sol comme priorité quant à sa préservation. Il est, en effet, nécessaire de passer d’une logique de contrainte à une logique d’opportunité pour bâtir collectivement des territoires désirables, respectueux de l’environnement et plus résilients. »