Près de 3 millions de m² de bureaux
Les gares évoquent les voyages et les départs en vacances, particulièrement en ce début de période estivale. A Paris, elles sont également synonymes de déplacements domicile-travail et occupent même une place centrale sur le marché immobilier des bureaux. « Les surfaces de bureaux situées à moins de dix minutes à pied des sept gares SNCF parisiennes totalisent 2,9 millions de m², soit un peu moins de 20% du parc tertiaire de la capitale » indique David Bourla, Directeur des Etudes chez Newmark France. Du fait de son appartenance au QCA, la concentration est particulièrement forte autour de la gare Saint-Lazare (1,1 million de m²), devant le hub de Lyon-Bercy (761.000 m²) et la Gare Montparnasse (556.000 m²).
Les quartiers de gare se distinguent aussi par l’état de leur bâti, véritable miroir de l’évolution architecturale et économique de la capitale. Dans le quartier de Saint-Lazare, où 41% des bureaux sont antérieurs à 1930, celui-ci est principalement haussmannien. Il est plus récent près des autres gares : « plusieurs ensembles tertiaires proches des gares de Lyon et de Montparnasse ont été érigés dans les années 1970 afin d’accompagner la tertiarisation de l’économie francilienne. Les constructions sont encore moins anciennes dans le quartier d’Austerlitz, secteur Nord de la ZAC Rive Gauche, lancée à partir de la fin des années 1990 pour rééquilibrer vers l’Est la géographie de l’emploi à Paris » explique David Bourla.
Une activité locative soutenue près de la gare Saint-Lazare
Disposant du plus grand parc de bureaux, le quartier de Saint-Lazare est également celui où l’activité locative est la plus soutenue. « Le quartier de Saint-Lazare concentre 45% du nombre de prises à bail de bureaux > 1.000 m² recensées depuis 2015 à moins de 10 minutes à pied des grandes gares parisiennes. Ceci tient notamment au rôle moteur des moyennes surfaces dans le QCA » détaille David Bourla. Le quartier de Saint-Lazare concentre aussi la plus grande part du volume de transactions (42%) devant celui d’Austerlitz (21%), dont le développement récent a permis d’offrir aux utilisateurs de grandes surfaces de bureaux neuves-restructurées. Neuf opérations > 5.000 m² y ont été enregistrées depuis 2015, parmi lesquelles six des dix plus grands mouvements recensés près des grandes gares parisiennes. « L’abondance et la qualité de l’offre de bureaux disponibles sont des facteurs clés. En revanche, l’intensité de l’activité locative n’est pas corrélée à la fréquentation des gares. Bien qu’il s’agisse du plus grand hub de transport d’Europe, le quartier des gares du Nord et de l’Est représente moins de 10% des volumes placés depuis 2015 près des sept grandes gares parisiennes » poursuit David Bourla.
Des profils d’utilisateurs plus ou moins variés
Concentrant la plus grande part des volumes placés, le quartier de Saint-Lazare est aussi celui où les profils d’utilisateurs sont les plus variés. Les grandes prises à bail recensées depuis 2015 dans ce secteur émanent ainsi d’acteurs de la banque-assurance (Banque de France, CIC, etc.), du droit (Gide Loyrette Nouel, Clifford Chance, Dentons, etc.), de l’industrie-distribution (Pernod Ricard, Chaumet, Hermès, etc.) ou encore des Tech (Google, Payfit, Fabernovel, etc.). Mentionnons aussi le coworking, dont la présence s’est nettement accrue en dix ans. Le quartier de Saint-Lazare rassemble même à lui seul près de 70% du nombre de sites de coworking existants près des grandes gares parisiennes.
Les profils d’utilisateurs sont moins variés dans les autres quartiers. Le secteur public (Agence Française de Développement, Caisse des Dépôts et Consignations, Métropole du Grand Paris, RATP, etc.) et la banque-assurance (BPCE / Natixis, Crédit Agricole, etc.) sont très présents près des gares d’Austerlitz et de Lyon. Ils jouent également un rôle clé près des gares du Nord (SNCF) et de Montparnasse (Crédit Agricole, MGEN, etc.). « Ces utilisateurs apprécient ces quartiers de gare, qui leur permettent de disposer de grandes surfaces de bureaux et d’une adresse parisienne pour un coût sensiblement inférieur à celui d’une implantation dans l’ouest de la capitale. Ces dernières années la plupart y ont confirmé leur ancrage, se positionnant en amont de nouvelles opérations de création ou de restructuration de bureaux afin d’y pérenniser leur présence sur le long terme » indique David Bourla. Ainsi, la CDC a par exemple pris à bail près de 65.000 m² dans « Austerlitz 2 » et « The Good One », deux ensembles en cours de restructuration près de la gare d’Austerlitz.
Les quartiers de gare enregistrent tout de même régulièrement les arrivées d’entreprises provenant d’autres secteurs géographiques. Certaines regroupent leurs collaborateurs sur de grandes surfaces, leur permettant de maîtriser leurs coûts immobiliers tout en modernisant leurs bureaux et en bénéficiant d’une localisation plus centrale et plus animée ; une stratégie récemment illustrée par la prise à bail par Essilor Luxottica de 22.000 m² près de la gare d’Austerlitz. Quelques prises à bail d’entreprises des media, de la Tech ou de l’enseignement supérieur ont par ailleurs été relevées dans d’autres quartiers (gare de Lyon, Nord-Est, etc).
La modernisation du parc de bureaux s’accélère
Le renouvellement des profils d’utilisateurs est toutefois contraint par une offre immobilière limitée. « Si le volume de l’offre immédiate est orienté à la hausse dans Paris, les disponibilités de bureaux > 1.000 m² restent assez faibles dans les quartiers de gare. Celles-ci totalisaient 100.000 m² à la fin du 1er trimestre 2025 contre 81.000 m² un an auparavant. Les opportunités sont plus ou moins rares selon le secteur géographique et la qualité des biens. Ainsi, les surfaces neuves ne représentent que 14% de l’offre immédiatement disponible, celle-ci étant bien plus fournie sur le segment des surfaces de seconde-main, notamment à proximité des gares de Lyon-Bercy et de Montparnasse » complète David Bourla.
La situation est toutefois en train d’évoluer. Le parc de bureaux des quartiers de gare doit en effet bénéficier de la livraison de plusieurs opérations de création et de restructuration. Au total, les projets > 5.000 m² mis en chantier et disposant d’un PC représentent près de 400.000 m² à livrer sur la période 2025-2028, dont 58% sont encore disponibles. Cette offre future est très inégalement répartie selon les quartiers. Elle est, par exemple, limitée près de la gare Saint-Lazare, majoritairement représentée par les restructurations des 86 et 96 boulevard Haussmann. Elle est bien plus fournie près des gares de Lyon (« Messager », « Quarter », « Scope ») et de Montparnasse (« Upper », « New Station », « Rythme »).
Perspectives : des atouts renforcés
Alors que les volumes placés en 2025 sont pour l’instant assez faibles, ces projets seront sans doute assez rapidement absorbés par les utilisateurs. Les quartiers de gare présentent en effet d’indéniables atouts. Dans le contexte post-Covid (hausse du télétravail, déménagements de salariés hors de l’Île-de-France, etc.), les immeubles les plus proches des gares permettent de réduire les temps de transport et donc de faciliter le retour au bureau des salariés. En outre, l’animation des quartiers de gare est de plus en plus valorisée par les entreprises et leurs collaborateurs. Or, plusieurs bénéficieront prochainement d’une voirie encore améliorée et d’une offre commerciale enrichie. Le projet « Gare de Lyon Côté Seine » prévoit ainsi la requalification de la rue de Bercy, incluant la création de nouveaux commerces et services d’ici 2028. Dans le secteur Austerlitz, le développement de 25.000 m² de commerces et l’ouverture d’un hôtel 4* près du nouveau siège de l’AFD contribueront d’ici la fin de 2027 à transformer ce quartier en « futur hub urbain shopping, événementiel et festif »[1].
L’attractivité croissante des quartiers de gare ne se limite pas au marché locatif. Ils suscitent également un intérêt accru de la part des investisseurs, dont témoigne la cession récente à Swiss Life AM et Norges Bank IM d’« Atelier Gaité », près de Montparnasse, et qu’explique notamment le potentiel parfois important de hausse des valeurs locatives près des gares. Près de la gare de Lyon, la valeur cible des projets actuellement en cours de restructuration dépasse par exemple assez nettement la précédente valeur top du quartier (moins de 600 €/m²/an en 2018). Près de la gare Saint-Lazare, les loyers des meilleurs actifs sont également élevés et devraient le rester en raison d’une offre durablement limitée et d’un écart encore significatif avec les valeurs pratiquées dans l’ouest du QCA.
Enfin, le dynamisme des quartiers de gare n’est pas un phénomène uniquement parisien : ceux-ci connaissent également un succès croissant dans plusieurs grandes métropoles mondiales, à l’exemple des abords de King’s Cross et Saint Pancras à Londres, ou de ceux de Penn Station et Grand Central à New York. « Si chaque marché tertiaire a ses spécificités, l’épidémie de Covid-19 a eu des effets comparables à l’échelle internationale. Ainsi, depuis la fin de la crise sanitaire, la centralité, l’accessibilité et l’animation urbaine caractérisant les quartiers de gare sont de plus en plus prisées car elles constituent autant de leviers favorisant le retour au bureau et le bien-être des salariés » conclut David Bourla.
[1] Communiqué Altarea du 3 juin 2025
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