Les députés ont approuvé jeudi un moratoire sur toute nouvelle installation éolienne et photovoltaïque, le RN venant apporter un soutien massif à un amendement LR, face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes macronistes. Un vote solennel est prévu mardi.
L'ancien Premier ministre et président du groupe Ensemble pour la République Gabriel Attal a annoncé lundi sur X qu'il proposerait à son groupe de voter contre le texte.
"Mon groupe parlementaire, Ensemble pour la République, est celui de l'écologie, et il le restera", a-t-il affirmé, dénonçant un "axe anti-écologie" de LR au RN formé "depuis quelques mois" à l'Assemblée nationale.
"Ce nouveau recul, s'il venait à être confirmé, serait dramatique pour notre environnement, mettrait notre souveraineté énergétique en péril et anéantirait un secteur entier de notre économie. Ce serait un immense cadeau aux pays exportateurs de pétrole", a-t-il argumenté.
Le président du groupe MoDem, Marc Fesneau, avait déjà annoncé lundi matin dans une interview au Echos que son groupe voterait également contre, jugeant le texte "totalement désarticulé" après son examen à l'Assemblée.
Interrogé par l'AFP, son homologue d'Horizons Paul Christophe a fait savoir qu'il proposerait à ses troupes de faire de même, critiquant un texte "ni sérieux ni cohérent".
Le groupe LR est lui-même divisé, le député Antoine Vermorel-Marques, proche de l'ancien Premier ministre Michel Barnier, regrettant dans Le Monde un vote en contradiction avec la ligne portée par la droite "depuis le Grenelle de l'environnement en 2007", en faveur d'un mix énergétique combinant nucléaire et renouvelable.
"Inacceptable", dit la FNSEA
Tout en souhaitant la mise entre parenthèses des investissements solaires et éoliens, les députés ont approuvé un amendement socialiste prévoyant que sur les 560 térawattheures (TWh) d'électricité décarbonée qui devront être produits en 2030, "au moins 200" devront être "issus de sources renouvelables".
"Comment va-t-on procéder ? Avec des barrages hydrauliques sur la Seine ?", a raillé M. Fesneau.
Les députés se sont également prononcés pour la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim, ou encore pour une "sortie des règles de fixation du prix du marché européen de l'énergie", en contradiction avec le droit européen selon le rapporteur Antoine Armand (Renaissance).
Après les acteurs des renouvelables en fin de semaine dernière, l'Union française de l'électricité (UFE), représentant l'ensemble de la filière, nucléaire inclus, a appelé les députés à rejeter le texte, critiquant dans le moratoire un "signal inquiétant et profondément contre-productif".
Le premier syndicat agricole, la FNSEA a aussi jugé cette mesure "inacceptable pour les agriculteurs", regrettant également "la suppression des objectifs de production de biocarburants".
Le ministre de l'Industrie Marc Ferracci, qui avait jugé jeudi le vote des députés "dévastateur" et "parfaitement irresponsable", a réaffirmé lundi son soutien "indéfectible" aux énergies renouvelables, lors d'un déplacement sur le parc éolien de Yeu-Noirmoutier en Vendée.
Après son probable rejet mardi dans l'hémicycle, le texte repartira pour une deuxième lecture au Sénat, prévue les 8 et 9 juillet, quelques jours avant la fin de la session parlementaire.
Le décret concernant la programmation annuelle de l'énergie (PPE) doit paraître lui "avant la fin de l'été", sans attendre "la fin de la navette parlementaire", avait assumé le 14 juin M. Ferracci, pour qui les débats parlementaires doivent inspirer ce décret.
"Je souhaite que ce débat essentiel pour le pays se poursuive au Parlement et que, si un décret fixant la prochaine PPE devait être pris, les forces politiques nationales soient consultées par le gouvernement", a affirmé M. Armand sur X.
Le RN, lui, continue de faire monter la pression. "Si on voit que François Bayrou veut publier la PPE3 par décret, en contournant la représentation nationale, ce sera un casus belli" - et donc un motif de censure, a prévenu dans le JDD le député Jean-Philippe Tanguy.
La filière électrique appelle les députés à rejeter la proposition de loi "Grémillet"
L'union française de l'électricité (UFE), le syndicat de l'industrie électrique, appelle les députés à rejeter mardi la proposition de loi "Grémillet" sur le futur énergétique de la France en voyant notamment un "signal inquiétant" dans le moratoire sur les énergies renouvelables.
"Au nom de l'ensemble de la filière électrique, incluant la production d'énergie nucléaire et renouvelable, les réseaux de transport et de distribution, ainsi que la fourniture et les services d'efficacité énergétique, nous vous appelons solennellement - mais à regret – à voter contre ce texte", indique l'UFE dans sa lettre ouverte aux députés.
L'UFE estime que "plusieurs dispositions de ce texte risquent de compromettre notre sécurité d'approvisionnement et de déstabiliser le cadre réglementaire nécessaire aux investissements de long terme".
Au cœur des préoccupations : l'adoption d'un amendement instaurant un moratoire sur le solaire et l'éolien qui constitue à ses yeux "un signal inquiétant et profondément contre-productif".
Les députés ont approuvé jeudi ce moratoire sur les énergies solaire et éolienne, le RN venant apporter un soutien massif à un amendement LR, face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes macronistes (EPR, MoDem, Horizons). Le texte, examiné en première lecture à l'Assemblée et qui doit être voté mardi, doit repartir pour une deuxième lecture au Sénat en juillet.
Dans une lettre distincte adressée aux députés, l'association professionnelle France Renouvelables leur demande également de rejeter le texte.
"Ne laissons pas une minorité choisir le destin énergétique de tous, en contradiction totale avec l'intérêt national", affirme ce texte, également signé par plusieurs présidents de région (Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Nouvelle Aquitaine, Occitanie).
La lettre met en garde contre "80.000 emplois menacés, une réindustrialisation hypothéquée et une confiance abîmée".
L'UFE souligne de son côté que "toutes les technologies d'électrification sont nécessaires", les renouvelables comme le nucléaire, pour accélérer la sortie des énergies fossiles - le pétrole et le gaz - qui contribuent au réchauffement climatique.
"Chaque jour, la France dépense près de 180 millions d'euros pour importer des énergies fossiles, soit plus de 65 milliards d'euros chaque année versés à des puissances étrangères parfois hostiles à nos intérêts", note l'organisation.
L'UFE estime que le moratoire ferait planer "un risque de contentieux et de sanctions" s'il devait mettre la France en contradiction avec ses engagements européens et internationaux en matière de développement des énergies renouvelables.
Paris est déjà dans le collimateur de Bruxelles pour ne pas avoir encore atteint les objectifs - fixés en 2009 - de compter 23% d'énergies renouvelables dans sa consommation finale d'énergie en 2020. Et la France s'est encore fait épingler fin 2023 par la Commission pour avoir présenté un objectif de 33% de renouvelables d'ici 2030 au lieu des 44% exigés par une directive de 2018.