Le gouvernement va déposer un amendement visant à élargir la suspension de la réforme des retraites aux carrières longues, comme réclamé par la gauche, avait annoncé lundi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.
Les députés doivent discuter mercredi, dans le cadre de l'examen du projet de budget de la Sécurité sociale, de cette suspension qui, à ce stade, ne concerne que les retraités de droit commun.
La suspension de la réforme était une condition posée par les socialistes pour ne pas censurer le gouvernement à l'entrée des débats budgétaires.
Mais écologistes et communistes réclamaient notamment que les carrières longues soient comprises via un amendement gouvernemental.
Le gouvernement va présenter un amendement au débat parlementaire pour "prendre en compte les cas spécifiques qui n'avaient pas été intégrés dans la lettre rectificative" prévoyant la suspension de la réforme des retraites, a-t-on souligné mardi auprès du ministère du Travail.
Seront concernés "les carrières longues, les catégories actives et super actives de la fonction publique" (aides-soignants, sapeurs-pompiers, etc.), "les régimes spécifiques de Mayotte et St Pierre et Miquelon". Au total, les publics bénéficiant de la suspension représenteront "plus de 20% d'une génération".
En outre, le gouvernement veut étendre le principe de la suspension aux personnes nées au cours du premier trimestre 1965.
Celles-ci pourraient ainsi partir à la retraite à 62 ans et 9 mois plutôt que 63 ans dans la lettre rectificative.
Le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou avait indiqué la semaine dernière que Matignon était "ouvert à un élargissement des personnes concernées" par la suspension de la réforme, notamment les carrières longues.
Si l'examen du projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) n'est pas terminé mercredi, le texte sera quoi qu'il arrive transmis au Sénat en raison des délais constitutionnels.
L'élargissement de la suspension de la réforme coûtera 200 millions d'euros en 2026, 500 millions en 2027
L'élargissement de la suspension de la réforme des retraites, notamment aux carrières longues, coûtera 200 millions en 2026 et 500 millions en 2027, selon l'amendement déposée mercredi matin par le gouvernement et consulté par l'AFP.
Cet élargissement sera financé par la hausse de la CSG sur les revenus du capital, votée la semaine passée par l'Assemblée nationale lors du volet recettes du projet de loi de finances sur la sécurité sociale, a précisé le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou, invité sur France 2 mercredi matin.
"Il y a 1,4 point de CSG supplémentaire qui sera de nature à être utilisé", a-t-il déclaré.
"On a intégré les carrières longues (...) on a aussi intégré ce qu'on appelle les catégories actives et super actives de la famille fonction publique", a expliqué le ministre.
"Ce sont des métiers difficiles : on pense aux policiers, aux pompiers, on pense aux égoutiers, on pense aux pompiers professionnels, on pense aux contrôleurs aériens. Ce sont des gens qui pourront partir plus tôt (...) Ils gagneront un trimestre, c'est important. C'est à peu près 20% de personnes supplémentaires", a estimé Jean-Pierre Farandou.
"C'est un ajustement (...) L'amendement a été déposé ce matin à 08h00", a ajouté le ministre mercredi.
Interrogé sur le bien-fondé de cette suspension des retraites, et sur ce qu'il en pensait en tant que citoyen, M. Farandou s'est montré pragmatique : "Cette suspension de la réforme des retraites, clairement, c'est d'abord un acte de stabilité politique", a-t-il affirmé.
"On voit bien que c'était une condition nécessaire. (...) Je suis convaincu de la stabilité, il n'y a pas que moi, en gros 61% des Français ont besoin de cette stabilité. Ils ont bien compris qu'il faut qu'un gouvernement puisse travailler pour répondre à leurs attentes. Il faut un budget pour la France, à la fois le budget général comme pour la sécurité sociale", a-t-il développé.
Une "erreur fatale" du gouvernement, dit Patrick Martin au Figaro
Le président du Medef Patrick Martin a qualifié "d'erreur fatale" et d'"hérésie" la concession du gouvernement faite à la gauche de suspendre la réforme des retraites.
"Ce report, c'est la faute originelle, l'erreur fatale. (...) C'est une hérésie. Pas seulement sur le plan des finances publiques, mais aussi sur le plan économique", a fustigé le représentant du patronat auprès du quotidien, alors que les députés doivent discuter mercredi de cette suspension, dans le cadre de l'examen du projet de budget de la Sécurité sociale.
Pour Patrick Martin, cette suspension va "encore dégrader le taux d'emploi en France, qui est un de nos principaux problèmes".
"C'est aussi une erreur sociale, parce qu'immanquablement cela pèsera sur les contribuables. Pour couronner le tout, cette concession faite à la gauche n'a pas été faite pour solde de tout compte puisque, depuis, c'est la surenchère fiscale", ajoute le patron des patrons.
Il dénonce notamment "une captation du débat" qui "consiste à faire croire que le vrai problème de la France serait celui de l'équité fiscale. C'est absolument faux !".
"Aujourd'hui, toutes les mesures d'économies sont annulées et compensées par une augmentation de la fiscalité. Je le redis, c'est l'inverse de ce qu'il faut faire", déplore le dirigeant d'entreprise.
"La stabilité politique est évidemment souhaitable, mais à quel prix ?", s'interroge Patrick Martin au début de l'interview, se disant un peu plus loin "consterné" par "la forme des débats comme par le fonds des discussions".
Le gouvernement, qui avait déjà accepté de suspendre la réforme des retraites pour éviter la censure des socialistes, va déposer un amendement pour élargir la suspension aux carrières longues, comme réclamé par la gauche.
Les carrières longues, certaines catégories de la fonction publique, ou encore les personnes nées au cours du premier trimestre 1965 pourront aussi bénéficier de la suspension de la réforme des retraites, a précisé mardi le ministère du Travail.