Trésorerie sous tension dans le bâtiment : comment éviter l’effet domino ?

Dans ce paysage incertain, la solidité financière des entreprises ne repose plus seulement sur la rentabilité, mais surtout sur leur capacité à préserver une trésorerie stable. Dans ce secteur où les délais de paiement s’allongent, les marges sont serrées et les chantiers s’enchaînent avec un besoin constant de financement, le moindre grain de sable peut déclencher un enchaînement fatal : c’est l’effet domino.

Un impayé, un marché perdu, un chantier stoppé, et c’est tout l’édifice économique de l’entreprise qui chancelle. Comment l’éviter ? La clé est l’anticipation et le suivi de gestion régulier.

Comprendre l’effet domino : pourquoi un seul incident peut faire tomber l’édifice

Dans le bâtiment, l’équilibre financier repose sur une gestion fine des flux d’argent : avances sur achats de matériaux, acomptes de démarrage, échéances fournisseurs, masse salariale… Le dirigeant joue en permanence sur un fil tendu.

Quand un client tarde à payer, cela provoque un premier déséquilibre : les charges fixes continuent de courir, les fournisseurs exigent leurs règlements, les sous-traitants attendent leur dû. Si l'entreprise n’a pas suffisamment de trésorerie disponible ou de marge de manœuvre, elle peut se retrouver à devoir geler un chantier, reporter un salaire, voire suspendre un investissement crucial. Le manque de liquidités ne pardonne pas : il affecte les relations commerciales, la confiance des partenaires bancaires, ralenti le développement de l’entreprise et fragilise l’ensemble de la chaîne opérationnelle.

Les signaux d’alerte à ne pas négliger

L’effet domino ne se déclenche jamais sans prémices. Plusieurs indicateurs doivent alerter le dirigeant :

• Trésorerie nette en baisse régulière ;
• Baisse significative du chiffre d’affaires ou des devis signés ;
• Encours client en hausse sans justification par un volume d’affaires croissant ;
• Allongement des délais de règlement ou multiplication des relances fournisseurs ;
• Blocage des investissements courants par manque de visibilité financière ;
• Dépendance forte à un ou deux clients stratégiques.

Un chantier mal estimé, une marge rognée faute d’actualisation du prix de revient, des avenants non opérés sur les travaux en cours, un défaut de relance… Ces signaux faibles doivent être lus comme des appels à l’action. Ignorés, ils ouvrent la voie à une spirale difficile à maîtriser.

Prévenir la crise : les bons réflexes de pilotage à adopter

Pour éviter de subir l’effet domino, il est indispensable de structurer le pilotage de la trésorerie autour de trois actions clés :

• Un suivi en temps réel

Mettre en place une situation comptable intermédiaire – par exemple à mi-exercice au 30 juin – permet d’obtenir une photographie fidèle de l’activité en cours. Cela contribue à faire le point sur les en cours, à ajuster les prix de vente, anticiper les dérives de marge, réduire certains frais fixes ou repositionner les ressources là où elles sont les plus utiles.

• Des outils de projection financière

Réaliser un atterrissage prévisionnel permet de simuler le résultat attendu à la clôture et d’anticiper les besoins de trésorerie à venir. Ce type d’exercice repose sur des données actualisées : carnet de commandes, charges connues, rythme d’avancement des chantiers. Il donne au dirigeant une visibilité précieuse pour adapter sa stratégie en cours d’année.

• Des indicateurs de pilotage sur mesure

Avez-vous déjà essayé de conduire une voiture sans tableau de bord ? Au-delà de la réalisation d’une situation intermédiaire et d’un atterrissage de fin d’exercice, l’établissement d’un tableau de bord permet de réaliser le suivi des objectifs fixés : marge par chantier, encours client, ratio masse salariale/chiffre d’affaires, évolution du BFR… Ce sont autant de balises pour mesurer les performances, anticiper les difficultés et mettre en œuvre des mesures correctives.

En complément, plusieurs leviers peuvent être activés en cas de difficulté : renégociation des délais fournisseurs, optimisation et accélération du processus de facturation et de relance, demande d’étalement auprès des caisses sociales ou du Trésor public, mise en place d’affacturage, voire recours à des procédures amiables en cas de besoin (mandat ad hoc, conciliation…).

L’essentiel est d’agir en amont, en s’outillant pour lire et comprendre les signaux faibles, plutôt que d’attendre que la trésorerie s’assèche. Gérer une entreprise du bâtiment sans surveiller sa trésorerie, c’est comme construire une maison sans fondations : ça peut tenir un moment, mais un jour… ça s’écroule.

Dans un secteur du bâtiment confronté à la hausse des coûts, à des délais de paiement incertains et à des transformations structurelles profondes, la trésorerie reste le baromètre vital de la solidité des entreprises. Plus qu’un enjeu comptable, c’est une condition de survie et de compétitivité à long terme.

* https://www.altares.com/2025/07/09/defaillances-dentreprises-au-t2-2025-vers-une-accalmie-en-fin-dannee/

Tribune d'Aurélie LAMARQUE, Expert-comptable Associée ORCOM (Linkedin).