Renouvellement des DAAF : un sujet brûlant chez les bailleurs ?

Et pour cause, la durée de vie d’un détecteur est de dix ans ; passé cette date, un renouvellement s’impose. Seulement, la problématique qui en découle va bien au-delà de l’aspect technique : elle est organisationnelle, juridique, et structurelle. Un tel décalage entre conformité apparente et protection effective constitue ainsi une zone de fragilité critique dans la chaîne de sécurité incendie des logements.

Un équipement présent, une vigilance affaiblie

Selon une enquête Ifop menée en avril 2025 pour la Fédération Française des Métiers de l'Incendie, 87% des logements principaux sont équipés d'au moins un DAAF. Mais seuls 60% des Français assurent être bien informés de leurs obligations. La loi est pourtant claire : si c’est à l’occupant que revient la responsabilité de l’entretien du détecteur, c’est le bailleur qui doit équiper le logement avant mise en location.

Toutefois, cette clarté théorique se heurte à des pratiques opaques. En effet, faute de contrôle et d'information clairs, aucun acteur ne peut garantir seul la continuité de la protection. D'après la même enquête, 78% des bailleurs ont installé au moins un DAAF, mais seulement 65% l'ont fait de façon exhaustive. Et si 85% des occupants déclarent vérifier leur appareil, seuls 40% le font au moins une fois tous les six mois. Le lien entre connaissance de la règle, responsabilité et vérification effective reste de ce fait trop incertain pour garantir une protection fiable.

Du côté des bailleurs, toute négligence vis-à-vis des détecteurs peut coûter cher. En 2022 à Toulouse, l’un d’entre eux a été reconnu partiellement responsable d'un incendie dans un logement dont le DAAF, mal positionné et hors d'usage, n'a pas déclenché l'alerte. Ce précédent - qui pourrait faire jurisprudence - rappelle qu’il ne faut en aucun cas baisser la garde et implique une responsabilité renforcée des bailleurs sur la durée, et pas seulement au moment de l'installation. À ce titre, l'équipement ne vaut pas preuve de protection à lui seul.

Anticiper l'échéance : renouveler, tracer, standardiser

Dix ans après l'installation des premiers dispositifs, leur remplacement devient donc une urgence opérationnelle. Faute d'action coordonnée, de nombreux logements seront bientôt équipés de DAAF défectueux ou périmés, donnant une fausse impression de conformité. Ce risque est critique pour les bailleurs sociaux. L'obsolescence silencieuse des détecteurs menace de créer un nouvel angle mort en matière de sécurité locative : celle du « DAAF fantôme » - accroché, mais inopérant.

Pour y remédier, plusieurs leviers doivent être activés de manière conjointe. En premier lieu, la standardisation des équipements, via l'adoption de modèles certifiés NF et répondant aux normes établies, permettrait de garantir un niveau homogène de sécurité. Cette confiance dans l’équipement permet de simplifier la maintenance et le renouvellement.

Mais ce n’est pas tout. Cette standardisation doit s'accompagner d'une traçabilité rigoureuse : identifier les dates d'installation, programmer les renouvellements, archiver les données. À cet égard, des systèmes de marquage, de QR codes ou d'applications de gestion locative existent déjà et doivent être intégrés à la stratégie patrimoniale.

Enfin, l'essor des solutions de supervision à distance propose un suivi en temps réel et ouvre la voie à l'alerte proactive et à l'audit à distance. Certains bailleurs qui ont déjà pris les devants en adoptant ces outils, qui leur permettent de documenter les installations, d'assurer une vérification continue du parc, mais aussi de rationaliser les campagnes de remplacement.

Comme tout équipement de sécurité qui se respecte, le DAAF doit être entretenu, renouvelé et documenté. Dix ans après la mise en vigueur de la loi qui lui est consacrée, il ne suffit plus d'en être équipé. Garantir son efficacité s’avère tout aussi primordial. Entre contrainte réglementaire et impératif opérationnel, l'enjeu n'est plus seulement technique, mais aussi et surtout organisationnel. Il revient donc aujourd'hui aux bailleurs de prendre l'initiative, de renouveler, tracer et contrôler. Sans quoi, l’apparente conformité pourrait faire figure de colosse aux pieds d’argile.

Tribune de Nathan Nyong, Responsable du développement France chez FireAngel et membre de la FFMI-GES (Linkedin).