Comment expliquer qu’on sacrifie autant cette filière vertueuse indispensable à la transition énergétique comme au pouvoir d’achat des Français?
Sur la forme, la décision a de quoi surprendre : la veille de sa démission et alors que les crédits budgétaires étaient en train d’être censurés à l’Assemblée nationale, le gouvernement Barnier a publié en catastrophe cet arrêté sans même donner le temps de mener à terme les échanges avec les professionnels. Un bon exemple de confusion entre vitesse et précipitation...
Sur le fond, cette décision ne surprend plus, elle désarçonne : le chauffage au bois et notamment le granulé, est reconnu comme vertueux à la fois pour l’environnement (le granulé ne rejette que 30g de CO2 par kWh) et pour le pouvoir d’achat ; le bois, selon sa forme se vend entre 5 et 7,5 cts € par kWh. C’est donc une excellente énergie de substitution aux énergies fossiles ou à l’électricité qui, avec un prix au moins trois fois plus élevé pour cette dernière, continue d’alimenter 5,5 millions de foyers en maisons individuelles. Pourquoi se passer d’une partie de la solution, quand les défis sont si grands ?
Alertés il y a quelques semaines de ce projet de décision, les professionnels ont tenté de faire entendre raison aux décideurs. Ils ont été rejoints par plus de 60 parlementaires de tous bords qui ont interpellé les ministres de l’Ecologie, de l’Energie ou de l’Industrie sur le risque de cette baisse sur le pouvoir d’achat des Français. Comment accepter que le gouvernement fasse fi de ces alertes, au moment où partout se murmure que l’Etat ne soutient plus le bois-énergie ?
En temps de crise budgétaire, on peut comprendre que l’Etat cherche à faire des économies. Mais le chauffage au bois domestique ne représente que quelques dizaines de millions d’euros dans le budget de l’ANAH (à travers MaPrimeRenov) et permet à des millions de Français de faire chaque année des centaines, voire des milliers d’euros d’économies et à l’Etat de réduire le déficit d’importation des énergies fossiles (plus de 100 Milliards d’Euros en 2022).
La raison est peut-être plutôt à chercher du côté du « bouclage biomasse », finalisé par le SGPE cet été. Selon cette institution très influente créée par le Président Macron, la biomasse ne serait pas en quantité suffisante pour tous les usages, faisant de la décarbonation des sites industriels une priorité contre le chauffage résidentiel au bois. C’est oublier que le granulé et le bois bûche ne sont produits respectivement qu’à partir de résidus de l’industrie forêt-bois (favorisant une séquestration long terme du carbone dans le bois-construction, à travers l’association des usages) et à partir de bois qui serait très difficilement valorisable par l’industrie.
C’est pourquoi il nous apparaît urgent que le gouvernement Bayrou revienne immédiatement sur cette décision. Les bases d’une gouvernance de la biomasse ont été posées : prenons le temps de définir ensemble un mix-énergétique de chauffage adapté, en évitant les décisions précipitées. Les documents de planification énergétique (PPE et SNBC) sont en consultation : reprenons-en les recommandations et valorisons les appareils de chauffage au bois les plus performants, en remplacement d’énergies carbonées ou d’appareils polluants. Et faisons en sorte que les foyers Français disposent d’une alternative vertueuse et économique avec le chauffage au bois domestique.
Tribune d'Eric Vial, délégué général de Propellet (Linkedin).