"Un accroissement de l'investissement public et des prêts à taux zéro garantis par la BCE (Banque centrale européenne, NDLR) pour un montant total de 28 milliards d'euros par an" permettrait à la France de "tenir ses objectifs" en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, estime dans un communiqué publié lundi la coalition Unlock. Celle-ci réunit en France des organisations telles que Agir pour le climat, Reclaim Finance, ou la Fondation Abbé Pierre.
Les objectifs de neutralité carbone dans le bâtiment "requièrent la rénovation performante de 700.000 logements par an jusqu'en 2050", selon Unlock qui souligne que la France est "très en retard".
"L'Etat français consacre environ 5 milliards d'euros par an à la rénovation énergétique des logements", poursuit la coalition d'ONG, mais "cette dépense publique ne parvient pas à stimuler la demande et à avoir un impact réel sur le taux de rénovation performante des logements".
Pour atteindre ses objectifs, la France devrait réaffecter, selon Unlock, ces 5 milliards d'euros d'aide "aux seules rénovations énergétiques performantes" et l'investissement devrait être porté à 28 milliards d'euros par an grâce à des "subventions publiques" et à "des prêts à taux zéro garantis par la BCE".
Le 1er novembre, les députés avaient adopté, contre l'avis du gouvernement, un amendement ajoutant au projet de budget 2023 quelque 12 milliards de crédits pour la rénovation énergétique des bâtiments. Cet amendement avait cependant été écarté dans la version finale du texte.
Selon les estimations de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), l'ensemble des investissements, public et privé confondus, pour la rénovation des bâtiments en 2021 a atteint 19,9 milliards d'euros.
Ces investissements sont cruciaux pour respecter les engagements climatiques de la France, les bâtiments et leur usage représentant plus d'un quart de ses émissions.
La coalition Unlock appelle à une refonte du financement de la rénovation énergétique des logements à travers l’action conjointe de l’État, de la BCE et des banques commerciales
Les systèmes de financement actuels n'incitent pas les ménages à engager des rénovations performantes : seuls 45.000 logements font l’objet d’une rénovation BBC chaque année.
Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France devrait rénover 700.000 logements de manière performante tous les ans. Le rythme des rénovations globales doit donc être multiplié par plus de quinze.
La campagne Unlock demande des subventions publiques et des prêts à taux zéro garantis par la BCE à hauteur de 28 milliards d’euros par an pour que la France atteigne ses objectifs. La campagne plaide pour une prise en charge intégrale des travaux pour les familles les plus précaires.
Selon les estimations de la campagne Unlock, une rénovation performante permettrait à un ménage d’économiser en moyenne 760 euros par an sur ses factures d'énergie s’il habite dans un appartement, 1.250 euros s’il habite dans une maison.
La France pourrait économiser l’équivalent des émissions de carbone de tout le pays pendant un an et demi si les objectifs de rénovations BBC des logements étaient tenus jusqu’en 2050.
Avec la crise mondiale de l’énergie et des températures de plus en plus extrêmes, des millions de ménages français craignent de ne plus être en capacité de payer leurs factures et s’inquiètent pour leur avenir. Or la France est très en retard sur ses objectifs de neutralité carbone dans le bâtiment, qui requièrent la rénovation performante de 700.000 logements par an jusqu’en 2050.
L’État français consacre environ 5 milliards d’euros par an à la rénovation énergétique des logements. Cette dépense publique ne parvient pas à stimuler la demande et à avoir un impact réel sur le taux de rénovation performante des logements. Si 13,3% des habitations font l’objet de “travaux” de rénovation énergétique tous les ans, seules 0,14% (45.000 habitations) font l’objet d’une rénovation BBC. Près des deux tiers (56%) des rénovations se traduisent par une économie d’énergie insignifiante, inférieure à 3%.
Pourtant, grâce à une réaffectation des 5 milliards d’euros d’aides aux seules rénovations énergétiques performantes, à un accroissement de l'investissement public et à des prêts à taux zéro garantis par la BCE pour un montant total de 28 milliards d’euros par an, la France pourrait tenir ses objectifs.
Unlock estime que la France économiserait ainsi au cours des trente prochaines années l’équivalent de l’ensemble de ses émissions de gaz à effet de serre sur 1 an et demi. Au niveau de chaque foyer, c’est l’équivalent d’un vol aller-retour entre Paris et San Francisco tous les ans.
La campagne Unlock, qui regroupe en France Agir pour le climat, Reclaim Finance, l’Institut Rousseau, l’Association et l’Institut négaWatt, le Shift Project, Dorémi, la Fondation Abbé Pierre, le CLER-Réseau pour la transition, l’Institut Veblen, demande un accroissement des subventions publiques, une prise en charge intégrale pour les ménages les plus précaires et l’octroi de prêts à taux zéro garantis par la BCE pour que la France soit en capacité de rénover 700.000 logements par an et d’atteindre son objectif de neutralité carbone.
La campagne appelle le gouvernement, la Banque centrale européenne et les banques commerciales françaises à travailler ensemble pour délivrer les 28 milliards d’euros de financement nécessaires chaque année aux rénovations énergétiques performantes de nos logements.
Pour Lucas Chabalier, responsable plaidoyer au sein d’Agir pour le climat et chargé de partenariat et stratégie sur la campagne Unlock France : « Parce que nos dirigeants ne se sont pas donné les moyens de tenir leurs objectifs en matière de rénovation énergétique au cours des 15 dernières années, ils sont contraints aujourd'hui de dépenser des milliards pour nous protéger contre la hausse des prix de l'énergie. Pour ne plus être acculé demain à ces dépenses en pure perte, le gouvernement doit enfin engager un plan de transformation de notre parc de logements. Ce serait un chantier fondateur. »
Pour Paul Schreiber, chargé régulation et banques centrales au sein de Reclaim Finance : « La colère monte face au coût de la vie qui explose. Si l'Etat est en première ligne pour y répondre, c'est le rôle de la BCE de contrôler l'inflation au sein de la zone Euro. Pour contribuer à la réduction de la demande en énergie et des factures des Européens, la Banque centrale peut lancer une facilité de financement permettant aux citoyens d'accéder à des prêts à taux zéro pour financer la rénovation des logements. Face à la crise, il est temps que ses dirigeants - dont le gouverneur de la Banque de France - prennent leurs responsabilités. »
Comment cela va-t-il fonctionner ?
Le coût moyen d’une rénovation performante est de 53.800 euros pour un logement individuel et 19.700 euros pour un logement collectif. Les propriétaires les plus modestes se verraient offrir une prise en charge intégrale. Les ménages moins vulnérables auraient accès à une combinaison de subventions et de prêts à taux zéro, selon un barème dégressif en fonction de leurs revenus.
Ceci exige des subventions à hauteur de 13 milliards d’euros par an environ. Après avoir réaffecté les primes existantes, le taux de TVA réduit et les crédits d’impôt liés à l’écoPTZ (prêt à taux zéro pour les travaux de rénovations énergétiques), soit environ 5 milliards d’euros de dépenses annuelles, les pouvoirs publics français devraient investir 8 milliards d’euros supplémentaires par an. Cette somme représente environ 10% du budget annuel de l’Education nationale. L’État doit également veiller à ce que les 2 milliards d’euros dépensés chaque année au titre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) pour les logements soient consacrés à des rénovations performantes.
La campagne demande à la BCE d’offrir aux banques commerciales des taux d’escompte verts pour les prêts à la rénovation afin d’encourager ces prêts et de réduire le coût des emprunts pour les ménages. Les banques seraient tenues de répercuter les avantages du taux d’escompte vert auprès des consommateurs sous la forme de prêts à taux zéro, à rembourser sur une période pouvant aller jusqu’à 30 ans.
Une augmentation annuelle de 13 milliards de l’encours des banques pour financer la rénovation performante des logements correspondrait à une expansion du bilan de la BCE très modeste au regard des 450 milliards d’euros de TLTRO (opérations de refinancement ciblé à long terme) engagés en 3 mois lors de la crise Covid.
Ces mesures permettraient aux ménages qui vivent dans des logements individuels d’économiser en moyenne 1.250 euros par an, 760 euros pour ceux qui vivent dans des logements collectifs, sur la base des prix moyens de l’énergie entre 2013 et 2021.
Plus de 12 millions de personnes, soit 20% des ménages français, sont actuellement en situation de précarité énergétique. La hausse des prix de l’énergie, appelée à durer, risque d’aggraver ces chiffres.